Présentation
À l’étage planitiaire, les faibles dénivelés permettent l’étalement du lit majeur et par suite celui de ces forêts. Deux ensembles se différencient par la composition en essences, la fréquence des crues et la longueur des inondations. On distingue :
- des forêts à bois tendres, inondables annuellement et sur une durée parfois longue. Le faible éloignement de la nappe d’eau (s’équilibrant avec le niveau du cours d’eau) engendrent des contraintes qui font que ces boisements sont fondamentalement structurés par des essences post-pionnières, les grands Saules (Salix alba surtout) et les Peupliers (Populus nigra, P. alba). De nos jours, elles sont souvent fortement imprégnées d’essences exotiques comme l’Érable negundo (Acer negundo) et le peuplier hybride inter-américain P. X canadensis ;
- des forêts à bois durs, en retrait des précédents et inondées plus occasionnellement lors des grandes crues (niveau de la nappe plus bas), permettant une maturation plus importante par des essences comme le Chêne pédonculé (Quercus robur), les Frênes et les Ormes (Ulmus laevis, U. minor)…Ces forêts sont exclues du présent type tout en constituant aussi un habitat d’intérêt communautaire (voir habitat 91F0).
De l’étage collinéen jusqu’à la base du montagnard se rencontrent d’autres forêts à bois durs présentant des fonctionnements similaires, installées sur terrasses plus étroites, en général structurées par l’Aulne (Alnus glutinosa) et le Frêne commun (Fraxinus excelsior). Ces aulnaies- frênaies sont accompagnées d’essences post-pionnières comme le Merisier (Prunus avium) et s’intègrent également dans l’habitat d’intérêt communautaire 91E0.
Les sous-bois de toutes ces forêts sont riches en espèces variées des fourrés médio-européens des sols non acides (Classe des Crataego - Prunetea Tüxen 1962) de basse altitude : Cornouiller sanguin, Troène, Prunellier, Aubépine monogyne… Le Noisetier s’installe en contexte plus frais sous les frondaisons des aulnaies-frênaies collinéennes.
Ces forêts, régulièrement enrichies en nutriments par les cours d’eau et/ou par les pentes voisines (colluvionnement), sont gérées dans un objectif de production. Elles sont en général traitées en futaies régulières [individus d’un peuplement sensiblement du même âge).
Elles ont fait l’objet par le passé d’introductions (enrichissement ou transformation) par des essences exogènes afin d’augmenter la production [clones de peupliers hybrides, chênes américains, résineux (Douglas, Epicéas pures ou en mélanges)].
Ces forêts constituent l’aboutissement de la dynamique végétale sur les terrasses alluviales soumises à une dynamique fluviale active en climat tempéré. La maturation des peuplements est assurée, soit par des espèces pionnières (Saules et Peupliers), soit par des essences post-pionnières et/ou nomades, en général (semi)héliophiles ; les essences dryades en sont exclues en raison de la proximité de la nappe et des périodes d’inondation. Les sols sont marqués par la présence de l’eau sous la dépendance d’une nappe aquifère, qui, tout en assurant une bonne alimentation annuelle, peut subir saisonnièrement des phases d’engorgement qui excluent les essences ligneuses sensibles à ces phénomènes réductiques.
Les saulaies et saulaies-peupleraies sont précédées, à l’instar des aulnaies-frênaies, par des saulaies arbustives (en général Salix purpurea, S. eleagnos, Salis acuminata…). Le Chêne pédonculé peut faire une apparition ponctuelle sur les terrasses les plus larges.
Ces forêts sont régulièrement bordées par des ourlets nitrophiles frais (Classe des Galio-Urticetea H.Passarge ex Kopecký 1969) et entrent au contact des mégaphorbiaies (formation à hautes herbes) riveraines eutrophes (Alliance du Convolvulion sepium Tüxen in Oberd. 1957) à la faveur des dépressions topographiques plus humides.
Le graphique ci-dessous récapitule l’ensemble des habitats d’intérêt communautaire au contact de l’habitat 91E0 dans notre région (compilation des sites régionaux). Il différencie les surfaces recensées où l’habitat est pur de celles où il est mélangé à d’autres types d’intérêt communautaire.
Les contacts majoritaires (en surfaces) de l’habitat 91E0 concernent les mégaphorbiaies (CH 6430) et les forêts à bois durs (CH 91F0).
La surface totale cartographiée de ces forêts au sein des sites N2000 de notre région est de 2140 ha ; la moyenne des unités cartographiées se situant autour de 2,2 ha. Ces dernières représentent toujours des mélanges avec d’autres habitats d’intérêt communautaire, de superficie plus petite, non individualisable en tant que telles à l’échelle des cartes d’habitat.
Il s’agit des boisements se développant sur les basses terrasses aux abords immédiats des cours d’eau, sur des substrats alluviaux peu évolués de texture souvent grossière en surface (sables et graviers), plus variée en profondeur. Ces terrasses sont soumises à des crues régulières saisonnières de durée variable. Le profil du sol montre un niveau d’engorgement en raison d’une nappe souterraine s’équilibrant avec le niveau du cours d’eau. Le toit de cette nappe fluctue ainsi avec les saisons mais les horizons supérieurs du sol sont drainants et aérés hors ces périodes de crues, permettant ainsi une bonne minéralisation de la matière organique. Les crues assurent en même temps un rechargement périodique en nutriments (limons).
Ces habitats se rencontrent le long des petits et moyens cours d’eau à basse altitude, sur presque tout le territoire métropolitain, avec néanmoins un plus fort développement dans la moitié ouest (secteurs de plaine plus conséquent en surface).
Les cours d’eau intermittents du domaine biogéographique méditerranéen et les torrents montagnards des Alpes et des Pyrénées en sont exclus.
Le mésoclimat est ici moins prégnant que les conditions stationnelles (végétations zonales). Les stations au sein de cet habitat sont marquées par une forte variabilité notamment selon la taille du cours d’eau concerné. Le pH peut ainsi avoir un large spectre selon la géologie traversée mais ils sont rarement carbonatés (dépôts originaires des Pyrénées et du Massif central). Les réserves en eau s’avèrent en général favorables et la trophie ne constitue pas un frein ; elle peut être excédentaire dans les zones de plaine par apports d’azote et de phosphore issus des amendements agricoles.
Ces boisements constituent depuis très longtemps des lieux privilégiés de vie pour l’homme en raison de ses besoins en eau. Leur emprise s’est considérablement amenuisée avec le temps, en même temps qu’elles subissaient intrinsèquement des dégradations multiples. Ces forêts jouent pourtant un rôle fondamental dans la fixation des berges.
La menace la plus importante en plaine, concerne la modification du régime fluvial qui porte atteinte à la fonctionnalité de l’écosystème. L’installation de barrages artificialise le régime hydraulique du cours d’eau (variations brusques des débits, écrêtement des crues) ; les rechargements en éléments nutritifs sont moins importants ou peuvent disparaître et modifient dès lors la dynamique végétale.
L’agriculture peut porter atteinte physiquement à ces forêts mais de nos jours, l’intensification de cette activité, du fait de l’utilisation massive d’engrais et de pesticides, a surtout des conséquences sur l’activité biologique du sol et tend à banaliser la flore (rudéralisation).
Les enjeux sylvicoles sont importants. Intrinsèquement, les coupes déstructurent les peuplements en modifiant la composition ligneuse et en appauvrissant la strate herbacée (explosion des espèces sociales compétitives). Les ouvertures liées aux coupes offrent des opportunités d’installation à maintes espèces exotiques envahissantes, et ce dans toutes les strates (Erable negundo, Renouées, Vigne vierge….) qui concurrencent directement la flore indigène.
Des déséquilibres sylvo-cynégétiques peuvent se faire jour localement, mettant en danger ou à tout le moins, biaisant la régénération de ces forêts.
Schéma fonctionnel synthétique
Un schéma fonctionnel est une représentation théorique des trajectoires possibles de l'habitat, sans ou avec gestion, et dans le cas des espaces forestiers, en fonction des usages antérieurs.
Dans le cas présent, la multiplicité des contextes écologiques et des dynamiques engagées, et donc des trajectoires possibles, mais aussi leur connaissance insuffisante au niveau régional, ne permettent pas l’établissement d’un tel schéma pour l’habitat 91E0.
Données cartographiques
Le tableau et la carte ci-dessous montrent la répartition des surfaces cartographiées en « forêts alluviales» (UE 91E0) dans le réseau régional de sites Natura 2000.
Code Site Natura | Nom Site Natura | Surface (en ha) |
FR7301822 | Garonne, Ariège, Hers, Salat, Pique et Neste | 1 167,58 |
FR7200786 | La Nive | 639,95 |
FR7300898 | Vallée de la Dordogne quercynoise | 443,31 |
FR7200749 | Montagnes du Barétous | 431,46 |
FR7200781 | Gave de Pau | 413,58 |
FR7300889 | Vallée de l'Adour | 264,54 |
FR7200787 | L'Ardanavy | 259,90 |
FR7200791 | Le Gave d'Oloron et marais de Labastide-Villefranche | 209,45 |
FR7200750 | Montagnes de la Haute Soule | 170,40 |
FR9101470 | Haute vallée de l'Aude et bassin de l'Aiguette | 144,25 |
FR7200788 | La Joyeuse | 124,46 |
FR7300850 FR7300851 FR7300857 FR7300858 |
Gorges de la Dourbie Gorges de Trévezel Les Alasses Chaos ruiniforme du Rajal Del Gorp |
119,61 |
FR7200760 | Massif de la Rhune et de Choldocogagna | 104,85 |
FR7300910 | Vallées de la Rauze et du Vers et vallons tributaires | 90,83 |
FR7200790 | Le Saison | 82,63 |
FR7300852 | Gorges de la Vis et de la Virenque | 82,00 |
FR7300871 | Plateau central de l'Aubrac aveyronnais | 81,84 |
FR7300922 | Gaves de Pau et de Cauterets (et gorge de Cauterets) | 66,15 |
FR7300912 | Moyenne vallée du Lot inférieure | 50,75 |
FR7300891 | Etangs d'Armagnac | 31,61 |
FR7300940 | Tourbière de Clarens | 19,60 |
FR7200744 | Massif de Sesques et de l'Ossau | 7,73 |
FR7200793 | Le Gave d'Ossau | 5,52 |
FR7300945 | Causse de Caucalières et Labruguière | 5,03 |
FR7300942 | Vallée de l'Arn | 2,60 |
FR7300913 | Basse vallée du Célé | 2,37 |
FR7200743 | Massif du Ger et du Lurien | 1,62 |
FR7200792 | Le Gave d'Aspe et le Lourdios | 1,31 |
FR7300904 | Marais de la Fondial | 1,31 |
FR7300935 | Haut-Louron : Aygues Tortes, Caillauas, Gourgs Blancs, Gorges de Clarabide, pics des Pichadères et d'Estiouère, montagne de Tramadits | 0,87 |
FR7300951 | Forêt de la Grésigne | 0,83 |
FR7200732 | Coteaux de Thézac et Montayral | 0,69 |
FR7300885 | Chaînons calcaires du Piémont Commingeois | 0,61 |
FR7200733 | Coteaux du Boudouyssou et plateau de Lascrozes | 0,59 |
FR7200742 | Massif du Moulle de Jaout | 0,53 |
FR7200747 | Massif du Layens | 0,49 |
FR7300915 FR7300917 FR7300919 |
Pelouses de Lalbenque Serres de Saint-Paul-de-Loubressac et de Saint-Barthélémy, et causse de Pech Tondut Serres de Labastide-de-Penne et de Belfort-du-Quercy |
0,47 |
FR7300870 | Tourbières du Lévezou | 0,32 |
FR7300914 | Grotte de Fond d'Erbies | 0,18 |
FR7300946 | Tourbières du Margnès | 0,00 |
Total 91E0 | 5 031,80 |
L’habitat 91D0 est un habitat se distribuant le long des cours d’eau de basse altitude sur l’ensemble de la région.
État de conservation
Etat de conservation d’un habitat naturel
Au sens de la directive, l’état de conservation d’un habitat naturel résulte de « l’effet de l’ensemble des influences agissant sur un habitat naturel ainsi que sur les espèces typiques qu’il abrite, et qui peuvent affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la survie à long terme de ses espèces typiques sur le territoire européen des États membres » (art. 1). Cet état de conservation est favorable lorsque :
- son aire de répartition naturelle et les superficies qu’il couvre sont stables ou en extension ;
- la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible ;
- l’état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable (art. 1).
Cette définition est appliquée à l’échelle d’un territoire biogéographique. Ainsi, à l’échelle nationale, le dernier rapportage du MNHN (BENSETTITI F. & PUISSAUVE R., 2015) conclut, pour l’habitat 91D0 :
- Aire de répartition : « favorable » pour les quatre domaines biogéographiques. L’aire de répartition de l’habitat est jugée stable ;
- Surfaces : « défavorable inadéquat» pour les domaines atlantique et continental. Les surfaces sont jugées globalement stables voire en légère baisse ; ce critère n’est pas évlué pour les domaines méditerranéen et alpin ;
- Structure et fonctions : « défavorable inadéquat » pour les domaines alpin et méditerranéen. « Défavorable mauvais » pour les domaines atlantique et continental, qui concentrent les surfaces les plus importantes de l’habitat 91D0 ;
- Perspectives : les perspectives futures en termes de pressions et menaces sur l’habitat ont été jugés « défavorables mauvais » pour l’ensemble des domaines.
Le constat est plutôt pessimiste pour l’habitat « 91E0-Forêts alluviales à Alnus glutinosa et Fraxinus excelsior » car son état de conservation a globalement été jugé mauvais pour l’ensemble des domaines biogéographiques. Et la tendance ne semble guère être à l’amélioration.
Etat de conservation sur le site et la parcelle
Un habitat forestier peut être considéré en bon état de conservation, à l’échelle d’un site Natura 2000, lorsque :
- ses structures caractéristiques sont présentes et les fonctions spécifiques et nécessaires à son maintien sont assurées ;
- il ne subit aucune atteinte susceptible de nuire à sa pérennité ;
- les espèces (végétales, animales et fongiques) qui lui sont typiques peuvent s'exprimer et assurer leur cycle biologique (CARNINO, 2009b).
Les indicateurs mobilisés pour le diagnostic peuvent être porteurs d’une signification négative (dégradation, régression de l’habitat) ou positive (représentativité, équilibre). Ces indicateurs proposés par le groupe d’experts du MNHN sont les suivants :
- Surface : tendances et causes d’évolution
- Composition floristique : intégrité de la composition dendrologique, typicité de la flore
- Dynamique de renouvellement : présence / absence des différents stades
- Bois morts : présence et activité de la faune saproxylique
- Atteintes : espèces exotiques envahissante, perturbations hydrologiques, dégâts au sol, impact des grands ongulés, fréquentation humaine, incendies.
Une grille d’analyse associée à chaque indicateur permet d’affecter une note globale à l’habitat ou à la station sur laquelle le diagnostic est réalisé.
C’est cette méthode qui pose le cadre méthodologique de l’évaluation à l’échelle du site. Celle-ci a fait l’objet d’une synthèse (CARASCO, 2013) des retours d’expérience en la matière, et d’autre part d’une réflexion de fond sur le sujet, dans le but d’aboutir à la formulation de propositions d’améliorations en vue de la mise au point d’une nouvelle version de la méthode qui met en évidence les points suivants :
- échelles de prise en compte des critères de surfaces et de fragmentation (habitat ou massif forestier) ;
- impossibilité de définir une référence unique qui représenterait un état de conservation idéal pour un type d’habitat forestier donné ;
- difficultés et précaution d’usage dans la construction de listes d’espèce typique ;
- diversification des critères de prise en compte des bois morts…
Groupes de gestion identifiés