Présentation
Les forêts les plus caractéristiques sont structurées par le Chêne sessile (Quercus petraea) et/ou le Hêtre (Fagus sylvatica) aux étages inférieurs, par le Hêtre et/ou le Sapin (Abies alba) en montagne. Le Houx (Ilex aquifolium) accompagne en général ces essences dans le sous-étage. Le cortège herbacé est composé d’un cortège d’espèces acidiphiles à acidiclines, héritées en grandes parties des pelouses adjacentes ou des trouées intraforestières non boisables (dalles rocheuses notamment).
Gérées dans une optique de production, elles sont en général traitées en futaies régulières (individus d’un peuplement sensiblement du même âge), pures ou en mélanges. Il existe également des traitements de ces forêts en taillis pour une production de bois de chauffage.
De telles forêts constituent des climax climatiques sur sols maigres, acides, soumis à un climat océanique. Une maturation ultime, rare cependant, montre l’apparition de l’If (Taxus baccata), espèce dryade capable de supplanter le Hêtre lui-même.
Les coupes forestières sur ces substrats oligotrophes donnent naissance à des végétations herbacées héliophiles et nitrophiles, instables, relevant des Epilobietea angustifolii Tüxen & Preising où apparaissent Epilobium angustifolium, Veronica officinalis… La cicatrisation de ces trouées intraforestières s’effectue par des fourrés relevant des Franguletea alni Doing ex V. Westh., dans lesquels on note l’espèce éponyme, Frangula dodonaei, le Bouleau (Betula pendula) et de nombreuses ronces. Les lisières relèvent des ourlets externes acides (Melampyro pratensis – Holcetea mollis Passarge), structurées par Holcus mollis, Lonicera periclymenum… La destruction ancienne de ces forêts pour le pâturage a contribué au développement des pelouses des Nardetea strictae (Agrostis capillaris, Avellena flexuosa, Festuca ssp…), qui, abandonnées, évoluent vers des landes sèches (par opposition à humides) des Calluno-Ulicetea Br.-Bl. & Tüxen ex Klika in Klika & Hadač 1944 (Calluna vulgaris, Vaccinium myrtillus…).
D’autres contacts peuvent s’établir relevant cependant de séries dynamiques différentes ; ces contacts s’établissent :
- à un même niveau altitudinal, lors de conditions stationnelles spécifiques, humides [végétations intraforestières de sources (Montio-Cardaminetea), de mégaphorbiaies en lien avec les précédentes], rupicoles (parois rocheuses, éboulis…), ou en lien avec l’activité humaine (prairies, cultures) ;
- aux confins des étages de végétation concernés, où des habitats zonaux d’altitude, peuvent entrer en contact de ces forêts (séries subalpines).
Le graphique ci-dessous récapitule l’ensemble des habitats d’intérêt communautaire au contact de du type d’habitat 9120 dans notre région (compilation des sites régionaux). Il différencie les surfaces recensées où l’habitat est pur de celles où il est mélangé à d’autres types d’intérêt communautaire.
La surface moyenne cartographiée de ces hêtraies dans les sites N2000 de notre région se situe autour de 14,5 ha. Les hêtraies relevant de l’habitat 9120 sont majoritairement pures dans notre région soit 10 600 ha sur un total de 13200.
Il s’agit de communautés ligneuses se développant :
- sous climat d’influence atlantique marquée, à précipitations conséquentes et régulières tout au cours de l’année (pas de mois secs) au sein d’une ambiance générale tempérée à fraîche ;
- sur des sols acides naturellement pauvres en nutriments, issus d’altérites de roches cristallines (granites, schistes) en place, ayant subi ou non un métamorphisme de contact (gneiss…).
Cet habitat s’observe de l’étage planitiaire à l’étage montagnard. La concomitance d’une proximité de l’Océan avec la présence de substrats cristallins, explique le développement de ces forêts de la pointe bretonne aux Hauts-de-France, en passant par les régions normandes. Mais en même temps, la baisse des températures liée à l’élévation du relief, entraîne l’installation de ces mêmes habitats forestiers, dans des zones plus éloignées géographiquement de l’océan (Pyrénées, Massif central).
Ces boisements constituent des formations climaciques sous climat océanique sur des sols acides oligotrophes, car ils se développent à la suite de l’altération de roches naturellement pauvres en éléments assimilables. La matière organique se minéralise lentement du fait de facteurs climatiques défavorables et s’accumule dans les horizons supérieurs, ce qui ne permet pas une assimilation rapide par les plantes.
En même temps, les précipitations fréquentes entraînent une perte lente des ions minéraux (lixiviation) dans et hors du profil en cas de pente. Les sols sont dits désaturés.
Une part importante de ces forêts fait l’objet d’une gestion à des fins sylvicoles. Celle-ci peut entraîner :
- lors des coupes, une déstructuration des peuplements par des récoltes dépassant la productivité, voire l’élimination totale du couvert ligneux (coupe à blanc). Des dégâts plus localisés peuvent être occasionnés (blessures des arbres réservés, tassement des sols par le passage répété d’engins lourds…) ;
- l’introduction partielle voire la substitution complète des feuillus structurants autochtones (chênes, hêtres) du peuplement par des espèces allochtones, résineuses (Douglas par exemple) ou feuillus (Chêne rouge d’Amérique) dans un but d’augmentation de la production ligneuse.
Des déséquilibres sylvo-cynégétiques du fait de populations importantes de cervidés peuvent se faire jour localement, mettant en danger ou à tout le moins, biaisant (par sélection négative) la régénération de ces forêts.
Schéma fonctionnel synthétique
Un schéma fonctionnel est une représentation théorique des trajectoires possibles de l'habitat, sans ou avec gestion, et dans le cas des espaces forestiers, en fonction des usages antérieurs.
La trajectoire principale, générique, est figurée au centre ; des précisions au niveau de chaque phase dynamique sont apportées, lorsqu’il y a lieu, de part et d’autre de cette dernière en fonction de critères écologiques, variables d’un habitat à l’autre, notés en gras en « chapeau ».
La diagnose écologique correspond à l’intitulé de l'habitat ; il reprend les éléments stationnels et écologiques déterminants qui répondent à la définition de l'habitat (moins ambigües que les intitulés des typologies codées).
Données cartographiques
Le tableau et la carte ci-dessous montrent la répartition des surfaces cartographiées en « hêtraies acidiphiles atlantiques» (UE 9120) dans le réseau régional de sites Natura 2000.
L’habitat 9120 est un habitat forestier se distribuant sur l’ensemble des massifs de la région, pourvu qu’il y existe des substrats cristallins.
Code Site Natura | Nom Site Natura | Surface (en ha) |
FR7200749 | Montagnes du Barétous | 4 298,04 |
FR7200744 | Massif de Sesques et de l'Ossau | 3 465,04 |
FR7300827 | Vallée de l'Aston | 2 812,25 |
FR7200750 | Montagnes de la Haute Soule | 2 782,68 |
FR7200751 | Montagnes du Pic des Escaliers | 2 111,06 |
FR7200746 | Massif de l'Anie et d'Espelunguère | 1 941,32 |
FR7200753 | Forêt d'Iraty | 1 666,19 |
FR7300831 | Quérigut, Laurenti, Rabassolles, Balbonne, la Bruyante, haute vallée de l'Oriège | 1 532,13 |
FR7200743 | Massif du Ger et du Lurien | 1 248,35 |
FR7300880 FR7300881 |
Haute vallée d'Oô Haute vallée de la Pique |
1 112,82 |
FR7200745 | Massif du Montagnon | 1 035,11 |
FR7200752 | Massif des Arbailles | 994,30 |
FR7200754 | Montagnes de Saint-Jean-Pied-de-Port | 965,94 |
FR7300946 | Tourbières du Margnès | 784,68 |
FR7200760 | Massif de la Rhune et de Choldocogagna | 713,18 |
FR7300883 | Haute vallée de la Garonne | 582,77 |
FR7300821 | Vallée de l'Isard, mail de Bulard, pics de Maubermé, de Serre-Haute et du Crabère | 564,16 |
FR7200759 | Massif du Mondarrain et de l'Artzamendi | 495,07 |
FR7300934 | Rioumajou et Moudang | 448,53 |
FR7300944 | Montagne Noire occidentale | 421,54 |
FR7200786 | La Nive | 420,28 |
FR7200742 | Massif du Moulle de Jaout | 362,06 |
FR7300822 | Vallée du Riberot et massif du Mont Valier | 351,14 |
FR7300884 | Zones rupestres xérothermiques du bassin de Marignac, Saint-Béat, pic du Gar, montagne de Rié | 336,35 |
FR7200747 | Massif du Layens | 236,27 |
FR7300921 | Gabizos (et vallée d'Arrens, versant sud-est du Gabizos) | 227,92 |
FR7300836 | Chars de Moulis et de Liqué, grotte d'Aubert, Soulane de Balaguères et de Sainte-Catherine, granges des vallées de Sour et d'Astien | 212,76 |
FR7300935 | Haut-Louron : Aygues Tortes, Caillauas, Gourgs Blancs, Gorges de Clarabide, pics des Pichadères et d'Estiouère, montagne de Tramadits | 143,72 |
FR7300927 | Estaubé, Gavarnie, Troumouse et Barroude | 80,42 |
FR7300920 | Granquet-Pibeste et Soum d'Ech | 77,58 |
FR7300931 | Lac Bleu Léviste | 68,30 |
FR7300825 | Mont Ceint, mont Béas, tourbière de Bernadouze | 57,97 |
FR7301631 | Vallées du Tarn, de l'Aveyron, du Viaur, de l'Agout et du Gijou | 57,77 |
FR7300871 | Plateau central de l'Aubrac aveyronnais | 53,59 |
FR7300932 | Liset de Hount Blanque | 49,86 |
FR7300926 | Ossoue, Aspé, Cestrède | 47,99 |
FR7300923 | Moun Né de Cauterets, pic de Cabaliros | 37,77 |
FR7300885 | Chaînons calcaires du Piémont Commingeois | 36,03 |
FR7300925 | Gaube, Vignemale | 32,80 |
FR7300924 | Péguère, Barbat, Cambalès | 32,12 |
FR7300942 | Vallée de l'Arn | 16,67 |
FR7301822 | Garonne, Ariège, Hers, Salat, Pique et Neste | 3,56 |
FR7300922 | Gaves de Pau et de Cauterets (et gorge de Cauterets) | 0,90 |
Total 9120 | 32 918,99 |
Les hêtraies-chênaies acidiphiles manquent surtout dans les grandes régions calcaires de la Région. L’Aubrac et sa périphérie, les monts de Lacaune et la marge cévenole constituent ses bastions dans le Massif central. Dans le massif pyrénéen, on les retrouve à la fois en périphérie nord et ouest du massif ainsi qu’à l’intérieur du massif dans les vallées à basse altitude. Elles représentent un enjeu de conservation important pour les sites de piémont.
État de conservation
Etat de conservation d’un habitat naturel
Au sens de la directive, l’état de conservation d’un habitat naturel résulte de « l’effet de l’ensemble des influences agissant sur un habitat naturel ainsi que sur les espèces typiques qu’il abrite, et qui peuvent affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la survie à long terme de ses espèces typiques sur le territoire européen des États membres » (art. 1). Cet état de conservation est favorable lorsque :
- son aire de répartition naturelle et les superficies qu’il couvre sont stables ou en extension ;
- la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible ;
- l’état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable (art. 1).
Cette définition est appliquée à l’échelle d’un territoire biogéographique. Ainsi, à l’échelle nationale, le dernier rapportage du MNHN (BENSETTITI F. & PUISSAUVE R., 2015) conclut, pour l’habitat 9120 :
- Aire de répartition : « favorable » pour les quatre domaines biogéographiques. L’aire de répartition de l’habitat est jugée globalement stable ou en extension,
- Surfaces : « favorable » pour l’ensemble du territoire. Les surfaces sont jugées stables ou en extension.
- Structure et fonctions : « défavorable inadéquat » pour les domaines alpin et atlantique. Seul le domaine continental bénéficie d’un jugement favorable, alors que le domaine méditerranéen n’a pas été évalué sur ces critères.
- Perspectives : « défavorable inadéquat » pour les domaines atlantique et méditerranéen, « favorable » pour le seul domaine continental.
Etat de conservation sur le site et la parcelle
Un habitat forestier peut être considéré en bon état de conservation, à l’échelle d’un site Natura 2000, lorsque :
- ses structures caractéristiques sont présentes et les fonctions spécifiques et nécessaires à son maintien sont assurées ;
- il ne subit aucune atteinte susceptible de nuire à sa pérennité ;
- les espèces (végétales, animales et fongiques) qui lui sont typiques peuvent s'exprimer et assurer leur cycle biologique (CARNINO, 2009b).
Les indicateurs mobilisés pour le diagnostic peuvent être porteurs d’une signification négative (dégradation, régression de l’habitat) ou positive (représentativité, équilibre). Ces indicateurs proposés par le groupe d’experts du MNHN sont les suivants :
- Surface : tendances et causes d’évolution
- Composition floristique : intégrité de la composition dendrologique, typicité de la flore
- Dynamique de renouvellement : présence / absence des différents stades
- Bois morts : présence et activité de la faune saproxylique
- Atteintes : espèces exotiques envahissante, perturbations hydrologiques, dégâts au sol, impact des grands ongulés, fréquentation humaine, incendies.
Une grille d’analyse associée à chaque indicateur permet d’affecter une note globale à l’habitat ou à la station sur laquelle le diagnostic est réalisé.
C’est cette méthode qui pose le cadre méthodologique de l’évaluation à l’échelle du site. Celle-ci a fait l’objet d’une synthèse (CARASCO, 2013) des retours d’expérience en la matière, et d’autre part d’une réflexion de fond sur le sujet, dans le but d’aboutir à la formulation de propositions d’améliorations en vue de la mise au point d’une nouvelle version de la méthode qui met en évidence les points suivants :
- échelles de prise en compte des critères de surfaces et de fragmentation (habitat ou massif forestier) ;
- impossibilité de définir une référence unique qui représenterait un état de conservation idéal pour un type d’habitat forestier donné ;
- difficultés et précaution d’usage dans la construction de listes d’espèce typique ;
- diversification des critères de prise en compte des bois morts…
Groupes de gestion identifiés