Présentation
Ces forêts thermophiles sont fondamentalement structurées par les Chênes en général qui en constituent l’ossature en termes quantitatif et de recouvrement. Le Chêne tauzin (Quercus pyrenaica) y domine, bien souvent accompagné du Chêne pédonculé (Quercus robur) ou sessile (Q. petraea). Au sein de tels peuplements et à leur voisinage, les hybridations sont fréquentes entre chênes et la reconnaissance des espèces présentes n’est pas toujours chose aisée.
Ces chênes dominent un sous-étage de petits arbres et arbustes qui se rencontrent habituellement sous ces macroclimats de type thermo-atlantique : Sorbier torminal (Sorbus torminalis), Houx (Ilex aquifolium) et Fragon petit Houx (Ruscus aculeatus). La Garance voyageuse (Rubia peregrina), de type biologique différent (espèce volubile sempervirente), entre dans ce même contexte climatique, marquant aussi la forêt de son empreinte.
Il convient de bien noter que ces chênaies ne sont d’intérêt communautaire que si l’essence la plus recouvrante est bien le chêne tauzin.
Le noyau principal de distribution de cet habitat est ouest-ibérique où ces communautés constituent des climax climatiques sur sols pauvres et acides. En France et plus particulièrement en Midi-Pyrénées, les conditions de développement de ces chênaies sont un peu moins favorables et le Chêne tauzin subit une concurrence des chênes médioeuropéens à l’origine d’une plus forte maturation du cycle sylvigénétique ; mais ceci en constitue aussi toute l’originalité. Aussi, à contrario, les physionomies les plus favorables correspondent-elles à des phases post-pionnières transitoires non en équilibre. Après élimination partielle ou totale des chênes sessiles ou pédonculés, le chêne tauzin peut alors constituer des faciès plus ou moins purs.
Ces forêts sont en lien dynamique avec des ourlets acides, notamment à Fougère Aigle (Pteridium aquilinum) ou Germandrée scorodoine (Teucrium scordonia) relevant de la classe des Melampyro pratensis-Holcetea mollis H.Passarge 1994) et des fourrés acides à Bourdaine (Frangula alnus), Poirier à feuilles cordées (Pyrus cordata), Ajoncs (Ulex europaeus) ou Bruyère à balais (Erica scoparia) dans les secteurs les plus thermophiles (classe des Franguletea alni Doing ex V. Westh., alliance du Frangulo alni-Pyrion cordatae Herrera et al. 1991)
Leur destruction à des fins pastorales donne naissance à des pelouses acides oligotrophes (Classe des Nardetea strictae Rivas Goday 1963 - CH 6230), ici à tonalité très thermo-atlantique, avec l’Agrostide de Curtis (Agrostis curtisii) ou l’Avoine à longues feuilles (Pseudarrhenatherum longifolium).
Des contacts relevant d’autres séries dynamiques peuvent s’établir dans des compartiments stationnels différents, humides ou sur substrats non acides mais ils sont globalement mal connus dans le détail.
Dans la région et au sein des sites Natura 2000 ayant fait l’objet d’un document d’objectifs, les cartographies de ces forêts représentent des peuplements purs sur une superficie moyenne de 1ha pour un total de 12 ha.
Il s’agit de formations forestières planitiaires ou collinéennes du Bassin aquitain et ses marges, qui bénéficient d’un climat océanique chaud (thermo-atlantique). Elles sont installées sur des substrats cristallins pauvres chimiquement, drainants et acides. En France, de telles forêts s’étirent du Sud-ouest au sud du Bassin parisien (Sologne) ; la diminution des températures en altitude et les expositions défavorables limitent son extension dans les Pyrénéens françaises.
La conception de ce type d’habitat d’intérêt communautaire est assez large puisque le manuel d’interprétation de l’Union européenne retient aussi bien des chênaies pures ou mélangées (chêne pédonculé) en place que des chênaies pionnières de reconstitution forestière après dégradation par des coupes, ou faisant suite à un abandon agropastoral.
Le déterminisme de ces forêts associe :
- des influences océaniques dominantes (humidité atmosphérique) alliées à un contexte thermique favorable, doux en hiver et chaud l’été. Les expositions favorables (quadrant sud et ouest) étendent l’aire de l’habitat sur le piémont pyrénéen et du Massif central ;
- des substrats cristallins à l’origine d’une pédogenèse de sols désaturés, acides, à faible activité biologique (humus de type moder) et drainants. Le contexte climatique engendre des déficits saisonniers d’humidité dans le profil du sol.
La flore associée est de nature acidiphile et xérophile à mésoxérophile, oligotrophe, ce qu’exprime le diagramme ci-dessous.
Les menaces qui pèsent sur ces forêts sont de deux ordres :
- anthropiques par gestion sylvicole défavorable au Chêne tauzin dont le bois possède de faible qualité technologique), et qui tend vers une sélection négative vis-à-vis de cette essence au sein des peuplements,
- naturelles par une dynamique progressive qui tend aussi à défavoriser cette essence au profit des autres chênes, voire dans certains cas de figures, du hêtre, dans le haut de l’étage collinéen.
Ces forêts présentent un enjeu particulier dans notre région du fait d’une occurrence biogéographique contrainte, limitant son aire au sud par les Pyrénées, à l’est par le Massif central et au nord par les causses du Quercy).
Sans être en limite d’aire absolue, notre région en constitue néanmoins l’avant-poste, d’où les enjeux forts qui en résultent. La rareté de cet habitat au niveau régional est à l’origine d’une certaine fragmentation, renforcée par les activités humaines, importantes à basse altitude où le relief ne constitue pas un frein à l’agriculture ou à l’urbanisation.
Compte-tenu des limites chorologique et écologique indiquées, dans la région, l’expression des chênaies à Q. pyrenaica est favorisée par une intensification de la gestion forestière, qui induit une dynamique régressive maintenant cette espèce pionnière dans des chênaies non matures.
Schéma fonctionnel synthétique
Un schéma fonctionnel est une représentation théorique des trajectoires possibles de l'habitat, sans ou avec gestion, et dans le cas des espaces forestiers, en fonction des usages antérieurs.
La trajectoire principale, générique, est figurée au centre ; des précisions au niveau de chaque phase dynamique sont apportées, lorsqu’il y a lieu, de part et d’autre de cette dernière en fonction de critères écologiques, variables d’un habitat à l’autre, notés en gras en « chapeau ».
La diagnose écologique correspond à l’intitulé de l'habitat ; il reprend les éléments stationnels et écologiques déterminants qui répondent à la définition de l'habitat (moins ambigües que les intitulés des typologies codées).
Données cartographiques
Le tableau et la carte ci-dessous montrent la répartition des surfaces cartographiées en « Chênaies galicio-portugaises à Quercus robur et Quercus pyrenaica » (UE 9230) dans le réseau régional de sites Natura 2000.
Code Site Natura | Nom Site Natura | Surface (en ha) |
FR7200760 | Massif de la Rhune et de Choldocogagna | 84,05 |
FR7200759 | Massif du Mondarrain et de l'Artzamendi | 44,09 |
FR7200788 | La Joyeuse | 19,53 |
FR7200786 | La Nive | 16,56 |
FR7200754 | Montagnes de Saint-Jean-Pied-de-Port | 13,45 |
FR7300875 | Puy de Wolf | 6,69 |
FR7300891 | Etangs d'Armagnac | 4,92 |
Total 9230 | 189,28 |
État de conservation
Au sens de la directive, l’état de conservation d’un habitat naturel résulte de « l’effet de l’ensemble des influences agissant sur un habitat naturel ainsi que sur les espèces typiques qu’il abrite, et qui peuvent affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la survie à long terme de ses espèces typiques sur le territoire européen des États membres » (art. 1). Cet état de conservation est favorable lorsque :
- son aire de répartition naturelle et les superficies qu’il couvre sont stables ou en extension ;
- la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible ;
- l’état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable (art. 1).
Cette définition est appliquée à l’échelle d’un territoire biogéographique. Cet habitat 9230 n’existe qu’au sein du domaine atlantique à l’échelle nationale. Le dernier rapportage du MNHN (BENSETTITI F. & PUISSAUVE R., 2015) conclut pour ce domaine:
- Aire de répartition : jugée « favorable » et globalement stable dans l’aire biogéographique ;
- Surfaces : non évalué
- Structure et fonctions : « favorables » pour l’habitat dans ce domaine ;
- Perspectives : non évalué
L’habitat « 9230-Chênaies à Quercus pyrenaica» a globalement été évalué en état de conservation favorable pour le domaine biogéographique atlantique. En revanche, compte tenu d’un manque de données, la tendance n’a pu être évaluée et il convient d’être prudent sur les perspectives futures.
Etat de conservation sur le site et la parcelle
Un habitat forestier peut être considéré en bon état de conservation, à l’échelle d’un site Natura 2000, lorsque :
- ses structures caractéristiques sont présentes et les fonctions spécifiques et nécessaires à son maintien sont assurées ;
- il ne subit aucune atteinte susceptible de nuire à sa pérennité ;
- les espèces (végétales, animales et fongiques) qui lui sont typiques peuvent s'exprimer et assurer leur cycle biologique (CARNINO, 2009b).
Les indicateurs mobilisés pour le diagnostic peuvent être porteurs d’une signification négative (dégradation, régression de l’habitat) ou positive (représentativité, équilibre). Ces indicateurs proposés par le groupe d’experts du MNHN sont les suivants :
- Surface : tendances et causes d’évolution
- Composition floristique : intégrité de la composition dendrologique, typicité de la flore
- Dynamique de renouvellement : présence / absence des différents stades
- Bois morts : présence et activité de la faune saproxylique
- Atteintes : espèces exotiques envahissante, perturbations hydrologiques, dégâts au sol, impact des grands ongulés, fréquentation humaine, incendies.
Une grille d’analyse associée à chaque indicateur permet d’affecter une note globale à l’habitat ou à la station sur laquelle le diagnostic est réalisé.
C’est cette méthode qui pose le cadre méthodologique de l’évaluation à l’échelle du site. Celle-ci a fait l’objet d’une synthèse (CARASCO, 2013) des retours d’expérience en la matière, et d’autre part d’une réflexion de fond sur le sujet, dans le but d’aboutir à la formulation de propositions d’améliorations en vue de la mise au point d’une nouvelle version de la méthode qui met en évidence les points suivants :
- échelles de prise en compte des critères de surfaces et de fragmentation (habitat ou massif forestier) ;
- impossibilité de définir une référence unique qui représenterait un état de conservation idéal pour un type d’habitat forestier donné ;
- difficultés et précaution d’usage dans la construction de listes d’espèce typique ;
- diversification des critères de prise en compte des bois morts…