Présentation
Il s’agit de forêts fondamentalement structurées par le Hêtre (Fagus sylvatica). Elles peuvent être accompagnées par des Chênes, le Chêne sessile (Quercus petraea) au contact des étages inférieurs, le Chêne pubescent (Quercus pubescens) en cas d’influence méditerranéenne et par le Sapin (Abies alba) en montagne.
Le Houx (Ilex aquifolium) peut accompagner ces essences en sous-étage mais les Érables (Acer campestre, A. opalus), les Sorbiers (Sorbus aria surtout), le Tilleul (Tilia platyphyllos), le Cerisier de Sainte-Lucie (Prunus mahaleb) et le Buis (Buxus sempervirens) y font une apparition remarquée.
La strate herbacée est composée d’espèces basophiles à basiclines, issue en grande partie du cortège des pelouses à Brome érigé et des ourlets existant à leur contact.
Ces communautés constituent des climax climatiques sur des sols secs basiques (déterminisme édapho-climatique) soumis à un régime océanique modéré (Classe des Querco roboris-Fagetea sylvaticae Br.-Bl. & J. Vlieger).
La strate arborescente est structurée par des espèces dryades (Fagus sylvatica, Albies alba) qui supportent l’ombrage dans les phases de jeunesse. L’If (Taxus baccata) est un taxon potentiel dans ces types d’habitat mais il y est rarement observé. Car le résultat des actions humaines ancestrales (exploitation de la ressource en bois, pâturage) aboutit plus souvent à des stades de moindre maturité, plus éclairés, où des essences comme le Chêne dans la strate arborescente ou le Buis dans la strate arbustive, viennent marquer les peuplements de leur physionomie au détriment des dryades. Ceci peut aller jusqu’à l’installation de faciès, où le hêtre et le sapin ont disparu, remplacés par les Chênes sessiles ou pubescents, qui peuvent facilement prêter à confusion avec d’autres formations, à déterminisme non plus climatique mais stationnel, non concernées par le type 9150.
Ces forêts sont au contact d’autres végétations, avec lesquelles elles sont en lien dynamique :
- des fourrés médio-européens plutôt thermophiles, à Érable champêtre, Viorne lantane, Sorbier blanc, Cerisier de Sainte-Lucie (classe des Crataego monogynae-Prunetea spinosae Tüxen 1962, alliance du Berberidion vulgaris Br.-Bl. 1950) ;
- des ourlets thermophiles basophiles à Géranium sanguin et divers Trèfles ou des pelouses préforestières à Brachypode penné (Brachypodium rupestre) relevant de la classe des Trifolio medii-Geranietea sanguinei Müller 1962) ;
Quand la pelouse se maintient, ces ourlets et fruticées sont considérés comme des faciès d'embroussaillement et intégrés dans le code 6210 ci-dessous ;
- des pelouses pâturées extensivement, d’intérêt communautaire (CH 6210 - Pelouses sèches semi-naturelles et faciès d’embuissonnement sur calcaires - Festuco-Brometalia), à Brome érigé ou Seslérie bleue selon l’exposition mais très variables dans leur riche composition floristique ;
- des pelouses post-pionnières à Orpins (surtout Sedum album), d’intérêt communautaire et prioritaire (CH 6110) qui apparaissent en marge des affleurements rocheux.
Des contacts relevant de séries dynamiques différentes peuvent s’établir dans des compartiments stationnels autres mais les contraintes édapho - climatiques limitent leur étendue, notamment pour ce qui concerne les milieux humides. On peut noter :
- les formations stables à Buis (CH 5110), sur sols squelettique dont l’évolution très lente conduirait à des chênaies (Ordre des Quercetalia pubescenti-sessiliflorae Klika 1933 corr. Moravec) ;
- les falaises calcaires relevant du Saxifragion mediae pyrénéen ou du Potentillion caulescentis Br.-Bl. caussenard (CH 8210 Pentes rocheuses calcaires avec végétation chasmophytique) et les éboulis calcaires, de granulométrie variée, qui peuvent porter des habitats forestiers bloqués à des stades immatures, structurés par des essences post-pionnières comme le Tilleul, les Érables…Il s’agit alors du type d’habitat communautaire 9180 (Forêts de pentes, éboulis ou ravins du Tilio-Acerion) ;
- les pelouses des étages supérieurs subalpins, en l’occurrence ceux qui sont à considérer au sein du type 6170 Pelouses calcaires alpines et subalpines ;
- les formations suintantes tufeuses (CH 7220 « Sources pétrifiantes avec formation de travertins (Cratoneurion) ») ou certaines mégaphorbiaies dont le type 6430 « Mégaphorbiaies hydrophiles d'ourlets planitiaires et des étages montagnard à alpin ».
Le graphique ci-dessous récapitule l’ensemble des habitats d’intérêt communautaire au contact de l’habitat 9150 dans notre région (compilation des sites régionaux). Il différencie les surfaces recensées où l’habitat est pur de celles où il est mélangé à d’autres types d’intérêt communautaire.
La surface moyenne cartographiée de ces hêtraies dans les sites N2000 de notre région se situent autour de 13, 5 ha. Les peuplements purs représentent près de 2500 ha sur un total peuplement pur + peuplement mélangés de 3500 ha.
Ce sont des formations forestières installées aux étages montagnards (ou collinéens aux expositions favorables, en général plutôt fraîches), sur substrat calcaire drainant, pouvant présenter des déficits saisonniers en eau. Le climat général, de type (sub)atlantique, est cependant suffisamment arrosé au cours de l’année pour permettre le développement du Hêtre (influence atlantique dominante).
Ce type d’habitat 9150 se rencontre en périphérie du Bassin parisien, à l’est de la France (Champagne-Ardennes, Lorraine, Bourgogne), dans le Jura, les Préalpes, les Causses (Grands Causses et Causses du Quercy) et les Pyrénées.
Le déterminisme de ces forêts associe :
- des substrats calcaires à l’origine d’une pédogenèse de sols carbonatés [présence de carbonate de calcium montrant une effervescence à l’acide chlorhydrique (HCl) dans les horizons supérieurs] ou calciques (décarbonatation des horizons supérieurs, donc effervescence HCl uniquement dans les horizons inférieurs) ;
- un contexte mésoclimatique de type océanique modéré (subhumide), altéré par des influences méditerranéennes au sud et à l’est de la région.
La flore associée est donc calcicole et basiphile, xérophile à mésoxérophile, thermophile, oligo à méso oligotrophe.
Les hêtres y sont souvent de mauvaise venue, petits et tortueux.
Ces forêts font ou ont pu faire par le passé l’objet d’une gestion sylvicole, notamment à des fins de production de bois de chauffage, plus rarement de bois d’œuvre de qualité. Cette faible valorisation des bois s’explique par le faible niveau de fertilité des stations et leurs difficultés d’accès.
Les exploitations forestières entraînent une déstructuration des peuplements lors de récoltes dépassant la productivité moyenne annuelle ; elles peuvent aller jusqu’à l’élimination totale du couvert ligneux lors des coupes à blanc. La dynamique progressive est alors d’autant plus lente que les contraintes pesant sur le milieu sont plus fortes (xéricité par exemple, développement d’espèces graminoïdes sociales impactant la régénération). Des dégâts mécaniques localisés peuvent être occasionnés aux arbres réservés (blessures au pied en raison du débardage, « coup de soleil » sur les écorces fines des hêtres à la suite du relevé de couvert…) ;
Du point de vue régional, les enjeux les plus forts concernent les hêtraies caussenardes qui sont rares, localisées et fragmentées. Une des menaces plus importantes concerne l’introduction partielle voire la substitution complète des feuillus structurants autochtones par des essences résineuses (Pins noirs, Cèdres par exemple), dans un but d’augmentation de la production ligneuse. Ces introductions peuvent ensuite poser des problèmes d’envahissement des espaces agro-pastoral à l’abandon ou sous-exploités par semis naturel.
Schéma fonctionnel synthétique
Un schéma fonctionnel est une représentation théorique des trajectoires possibles de l'habitat, sans ou avec gestion, et dans le cas des espaces forestiers, en fonction des usages antérieurs.
La trajectoire principale, générique, est figurée au centre ; des précisions au niveau de chaque phase dynamique sont apportées, lorsqu’il y a lieu, de part et d’autre de cette dernière en fonction de critères écologiques, variables d’un habitat à l’autre, notés en gras en « chapeau ».
La diagnose écologique correspond à l’intitulé de l'habitat ; il reprend les éléments stationnels et écologiques déterminants qui répondent à la définition de l'habitat (moins ambigües que les intitulés des typologies codées).
Données cartographiques
Le tableau et la carte ci-dessous montrent la répartition des surfaces cartographiées en « hêtraie calcaire du Cephalanthero-Fagion» (UE 9150) dans le réseau régional de sites Natura 2000.
Code Site Natura | Nom Site Natura | Surface (en ha) |
FR7300829 | Quiès calcaires de Tarascon-sur-Ariège et grotte de la Petite Caougno | 608,74 |
FR7200742 | Massif du Moulle de Jaout | 598,66 |
FR7300850 FR7300851 FR7300857 FR7300858 |
Gorges de la Dourbie Gorges de Trévezel Les Alasses Chaos ruiniforme du Rajal Del Gorp |
362,78 |
FR7300864 | Plateau et corniches du Guilhaumard | 351,61 |
FR7300920 | Granquet-Pibeste et Soum d'Ech | 281,51 |
FR7200750 | Montagnes de la Haute Soule | 244,92 |
FR7200752 | Massif des Arbailles | 186,09 |
FR7200744 | Massif de Sesques et de l'Ossau | 180,02 |
FR7300884 | Zones rupestres xérothermiques du bassin de Marignac, Saint-Béat, pic du Gar, montagne de Rié | 173,75 |
FR7300822 | Vallée du Riberot et massif du Mont Valier | 122,49 |
FR7300855 | Causse Noir et ses corniches | 117,05 |
FR7200746 | Massif de l'Anie et d'Espelunguère | 99,88 |
FR7200749 | Montagnes du Barétous | 96,01 |
FR7200743 | Massif du Ger et du Lurien | 91,00 |
FR7300852 | Gorges de la Vis et de la Virenque | 86,56 |
FR7200745 | Massif du Montagnon | 35,80 |
FR7300821 | Vallée de l'Isard, mail de Bulard, pics de Maubermé, de Serre-Haute et du Crabère | 30,50 |
FR7300842 | Pechs de Foix, Soula et Roquefixade, grotte de l'Herm | 22,66 |
FR7300902 | Vallées de l'Ouysse et de l'Alzou | 20,09 |
FR7300885 | Chaînons calcaires du Piémont Commingeois | 16,88 |
FR7300880 FR7300881 |
Haute vallée d'Oô Haute vallée de la Pique |
15,24 |
FR7300933 | Hautes-Baronnies, Coume de Pailhas | 11,26 |
FR7300883 | Haute vallée de la Garonne | 8,79 |
FR7300836 | Chars de Moulis et de Liqué, grotte d'Aubert, Soulane de Balaguères et de Sainte-Catherine, granges des vallées de Sour et d'Astien | 8,49 |
FR7300825 | Mont Ceint, mont Béas, tourbière de Bernadouze | 8,40 |
FR7300841 | Queirs du Mas d'Azil et de Camarade, grottes du Mas d'Azil et de la carrière de Sabarat | 5,20 |
FR7300926 | Ossoue, Aspé, Cestrède | 2,86 |
FR7300924 | Péguère, Barbat, Cambalès | 1,61 |
FR7300945 | Causse de Caucalières et Labruguière | 1,21 |
FR7300931 | Lac Bleu Léviste | 1,08 |
FR7300922 | Gaves de Pau et de Cauterets (et gorge de Cauterets) | 0,57 |
Total 9150 | 3 791,71 |
Les hêtraies calcicoles 9150 se rencontrent pour une part importante dans les Pyrénées, sur des substrats géologiques calcaires (ou chimiquement voisins) de nature sédimentaire, et dans le Massif central où elles sont surtout localisées sur les Grands Causses (Aveyron).
Les hêtraies-chênaies du rebord sud-ouest (Lot, Dordogne) du Massif central sont aujourd’hui intégrés dans ce type d’habitat, malgré un cortège appauvri d’espèces du Cephalanthero-Fagion ; cette position est susceptible d’évoluer avec l’amélioration des connaissances.
État de conservation
Etat de conservation d’un habitat naturel
Au sens de la directive, l’état de conservation d’un habitat naturel résulte de « l’effet de l’ensemble des influences agissant sur un habitat naturel ainsi que sur les espèces typiques qu’il abrite, et qui peuvent affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la survie à long terme de ses espèces typiques sur le territoire européen des États membres » (art. 1). Cet état de conservation est favorable lorsque :
- son aire de répartition naturelle et les superficies qu’il couvre sont stables ou en extension ;
- la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible ;
- l’état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable (art. 1).
Cette définition est appliquée à l’échelle d’un territoire biogéographique. Ainsi, à l’échelle nationale, le dernier rapportage du MNHN (BENSETTITI F. & PUISSAUVE R., 2015) conclut, pour l’habitat 9150 :
- Aire de répartition : « favorable » pour les quatre domaines biogéographiques. L’aire de répartition de l’habitat est jugée globalement stable ou en extension,
- Surfaces : « favorable » pour l’ensemble du territoire. Les surfaces sont jugées stables ;
- Structure et fonctions : « défavorable inadéquat » pour l’ensemble des domaines, hors les domaines alpins et méditerranéens qui n’ont pas été évalués ;
- Perspectives : « défavorable inadéquat » pour les domaines atlantiques et continentaux. Ce critère n’a pas été évalué sur les domaines alpin et méditerranéen.
L’habitat « 9150-Hêtraies calcicoles du Cephalanthero-Fagion» a globalement été évalué en mauvais état de conservation défavorable dans les domaines biogéographiques atlantique et continentaux qui nous concernent. Compte tenu du manque de données en la matière dans la plupart des domaines, la tendance n’a pu être évaluée.
Etat de conservation sur le site et la parcelle
Un habitat forestier peut être considéré en bon état de conservation, à l’échelle d’un site Natura 2000, lorsque :
- ses structures caractéristiques sont présentes et les fonctions spécifiques et nécessaires à son maintien sont assurées ;
- il ne subit aucune atteinte susceptible de nuire à sa pérennité ;
- les espèces (végétales, animales et fongiques) qui lui sont typiques peuvent s'exprimer et assurer leur cycle biologique (CARNINO, 2009b).
Les indicateurs mobilisés pour le diagnostic peuvent être porteurs d’une signification négative (dégradation, régression de l’habitat) ou positive (représentativité, équilibre). Ces indicateurs proposés par le groupe d’experts du MNHN sont les suivants :
- Surface : tendances et causes d’évolution
- Composition floristique : intégrité de la composition dendrologique, typicité de la flore
- Dynamique de renouvellement : présence / absence des différents stades
- Bois morts : présence et activité de la faune saproxylique
- Atteintes : espèces exotiques envahissante, perturbations hydrologiques, dégâts au sol, impact des grands ongulés, fréquentation humaine, incendies.
Une grille d’analyse associée à chaque indicateur permet d’affecter une note globale à l’habitat ou à la station sur laquelle le diagnostic est réalisé.
C’est cette méthode qui pose le cadre méthodologique de l’évaluation à l’échelle du site. Celle-ci a fait l’objet d’une synthèse (CARASCO, 2013) des retours d’expérience en la matière, et d’autre part d’une réflexion de fond sur le sujet, dans le but d’aboutir à la formulation de propositions d’améliorations en vue de la mise au point d’une nouvelle version de la méthode qui met en évidence les points suivants :
- échelles de prise en compte des critères de surfaces et de fragmentation (habitat ou massif forestier) ;
- impossibilité de définir une référence unique qui représenterait un état de conservation idéal pour un type d’habitat forestier donné ;
- difficultés et précaution d’usage dans la construction de listes d’espèce typique ;
- diversification des critères de prise en compte des bois morts…
Groupes de gestion identifiés