Présentation
Ces forêts sont fondamentalement structurées par le Pin à crochet (Pinus mugo subsp. uncinata), parfois accompagnés aux limites altitudinales inférieures par le Pin sylvestre (Pinus sylvestris) et/ou leur hybride (P. X bougei). Le couvert peu dense assure un accompagnement des Pins par des essences feuillues de l’étage subalpin comme le Sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia) ou l’Alisier blanc (Sorbus aria).
Les Éricacées constituent une strate chaméphytique plus ou moins importante et élevée. Les espèces en différent selon la nature du sol ou l’exposition : Raisin d’Ours (Arctostaphyllos uva-ursi) sur substrat carbonaté ; sur substrat siliceux, Rhododendron en ombrée (Rhododendron ferrugineum) et Genévriers en soulane.
La strate herbacée est peu développée et composée d’un cortège d’espèces de litière épaisse (Pyrolacées).
Rarement gérées dans un objectif de production, elles sont en général traitées en futaies régulières.
Ces forêts constituent les communautés climaciques de l’étage subalpin des Pyrénées ; elles sont relictuelles de l’âge glaciaire et relèvent de l’alliance des Seslerio-Pinion uncinatae Vigo 1974, non reconnue au sein du Prodrome des végétations de France (Classe des Erico carneae – Pinetea sylvestris Horvat 1959).
Du fait des contraintes climatiques, la dynamique est bloquée à un stade précoce, ce qui fait que la strate arborescente est structurée par des espèces post-pionnières du genre Pinus.
L’installation des Pins s’effectue progressivement à partir d’îlots de sénescence au sein des landes subalpines à Éricacées (CH 4060), celles-ci pouvant elles-mêmes, selon la profondeur du sol ou suite aux activités humaines, subir des phases de blocage de plusieurs décennies.
La destruction ancienne de ces forêts pour le pâturage a vu le développement de communautés pelousaires à forte identité pyrénéenne, par le nombre d’espèces endémiques (Festuca eskia, Gentiana burseri…) qu’elles accueillent. Elles relèvent, selon la nature géologique du substrat, soit des Nardetea strictae (CH 6230) pour ce qui concerne les sols acides, soit des Festuco-Seslerietea caeruleae Barbero & Bonin pour les sols carbonatés (CH 6170). Les ourlets liés à ces forêts restent à étudier.
D’autres contacts peuvent s’établir, relevant de séries dynamiques différentes, qui s’établissent notamment au voisinage de bas niveaux topographiques excédentaires en eau, où l’engorgement peut être permanent ou temporaire : il en est ainsi des mégaphorbiaies luxuriantes subalpines, des d’ourlets humides (CH 6430) ou des différents types de formations tourbeuses (CH 7110, 7120, 7130). Les parois ou les dalles rocheuses (CH 8230) d’une part ou les éboulis (CH 8110 ou 8120 selon le substrat) d’autre part en constituent une autre manifestation.
Aux confins des étages de végétation concernés, les landes (CH 4060) et pelouses de l’étage alpin (CH 6140) ou les formations à Genêts purgatifs des soulanes montagnardes (CH 5120) en constituent pour leur part les éléments les plus représentatifs.
Le graphique ci-dessous récapitule l’ensemble des habitats d’intérêt communautaire au contact de l’habitat 9430 dans notre région (compilation des sites régionaux). Il différencie les surfaces recensées où l’habitat est pur de celles où il est mélangé à d’autres types d’intérêt communautaire.
La surface moyenne de ces pineraies de Pin à crochet est de 6 ha. La surface totale où cet habitat est majoritaire dans les unités cartographiées est de 9769 ha. Au sein des unités cartographiques représentant des mélanges avec d’autres formations, les contacts les plus récurrents s’établissent avec les landes alpines (CH 4060) et les affleurements rocheux siliceux (CH 8220).
Ce type d’habitat réunit des communautés ligneuses à strate arborescente clairiérée. Ces forêts se développent à des expositions diverses de l’étage montagnard supérieur à subalpin de la chaîne des Pyrénées, sur des sols peu évolués, dont le substrat est constitué indifféremment de roches-mères cristallines ou carbonatées, pauvres en nutriments.
Le climat est rude et se caractérise par des températures moyennes annuelles basses et une période d’activité biologique courte, se traduisant par un horizon supérieur organique épais, de couleur sombre. Il existe néanmoins une forte opposition de versants :
- en exposition nord (ombrée), le manteau neigeux hivernal est conséquent et se maintient sur de longues périodes, assurant une protection thermique aux strates inférieures ;
- en exposition chaude (soulanes), ce manteau neigeux disparaît rapidement, laissant la végétation affronter les froids intenses sans protection.
Le froid, du fait de l’altitude, est peu favorable à une minéralisation rapide de la matière organique, qui s’accumule dans les horizons supérieurs. En même temps, les précipitations régulières sur ces terrains pentus entraînent une perte progressive des ions minéraux (y compris les carbonates) assurant la nutrition des plantes. Le complexe argilo-humique est désaturé, et le pH mesuré de nature acide à acidicline, même sur roches carbonatées.
Ces forêts, en raison de leur implantation à l’étage subalpin, subissent une pression anthropique moindre du fait de l’éloignement des zones d’habitation et des difficultés d’accès.
En effet, compte tenu des contraintes d’exploitation et de la faible productivité, la gestion sylvicole se veut plus extensive, avec des coupes à périodicité plus longue. Cependant, lorsqu’elles se réalisent, elles restent traumatisantes pour les peuplements du fait de la lenteur de reconstitution du couvert forestier et les espèces de la lande, revigorées, concurrencent fortement la régénération de ces forêts.
Les feux allumés dans le cadre d’un complément à la gestion pastorale (écobuages de fins d’hiver) constituent une menace régulière pour les peuplements installés en soulane, par les incendies qu’ils peuvent provoquer.
Ces forêts clairiérées, riches en Éricacées, donc en baies comestibles, constituent un habitat ressource et refuge pour le Grand Tétras qu’il convient de préserver.
Enfin, l’avenir à moyen et long terme de ces pineraies est incertain en regard des changements climatiques en cours.
Schéma fonctionnel synthétique
Un schéma fonctionnel est une représentation théorique des trajectoires possibles de l'habitat, sans ou avec gestion, et dans le cas des espaces forestiers, en fonction des usages antérieurs.
La trajectoire principale, générique, est figurée au centre ; des précisions au niveau de chaque phase dynamique sont apportées, lorsqu’il y a lieu, de part et d’autre de cette dernière en fonction de critères écologiques, variables d’un habitat à l’autre, notés en gras en « chapeau ».
La diagnose écologique correspond à l’intitulé de l'habitat ; il reprend les éléments stationnels et écologiques déterminants qui répondent à la définition de l'habitat (moins ambigües que les intitulés des typologies codées).
Données cartographiques
Le tableau et la carte ci-dessous montrent la répartition des surfaces cartographiées en « Forêts montagnardes et subalpines à Pinus uncinata» (UE 9430) dans le réseau régional de sites Natura 2000.
Code Site Natura | Nom Site Natura | Surface (en ha) |
FR7300831 | Quérigut, Laurenti, Rabassolles, Balbonne, la Bruyante, haute vallée de l'Oriège | 1 729,50 |
FR7300934 | Rioumajou et Moudang | 1 288,28 |
FR7300929 | Néouvielle | 1 136,78 |
FR7300827 | Vallée de l'Aston | 593,37 |
FR7300925 | Gaube, Vignemale | 414,51 |
FR7300924 | Péguère, Barbat, Cambalès | 232,47 |
FR7300927 | Estaubé, Gavarnie, Troumouse et Barroude | 189,84 |
FR7300880 FR7300881 |
Haute vallée d'Oô Haute vallée de la Pique |
158,17 |
FR7200743 | Massif du Ger et du Lurien | 102,49 |
FR7200744 | Massif de Sesques et de l'Ossau | 95,60 |
FR7300930 | Barèges, Ayré, Piquette | 89,00 |
FR7300935 | Haut-Louron : Aygues Tortes, Caillauas, Gourgs Blancs, Gorges de Clarabide, pics des Pichadères et d'Estiouère, montagne de Tramadits | 54,32 |
FR9101470 | Haute vallée de l'Aude et bassin de l'Aiguette | 53,37 |
FR7300931 | Lac Bleu Léviste | 47,65 |
FR7300822 | Vallée du Riberot et massif du Mont Valier | 45,55 |
FR7200750 | Montagnes de la Haute Soule | 39,40 |
FR7300825 | Mont Ceint, mont Béas, tourbière de Bernadouze | 37,40 |
FR7300926 | Ossoue, Aspé, Cestrède | 31,04 |
FR7200746 | Massif de l'Anie et d'Espelunguère | 19,62 |
FR7300921 | Gabizos (et vallée d'Arrens, versant sud-est du Gabizos) | 5,85 |
FR7300922 | Gaves de Pau et de Cauterets (et gorge de Cauterets) | 3,06 |
Total 9430 | 6 367,28 |
Les pineraies subalpines à Pin à crochet se rencontrent sur l’ensemble de la chaîne pyrénéenne. Les communautés installées sur sols siliceux sont plus fréquentes et diverses que celles qui se développent sur substrat calcaire, plus localisées et caractérisées, ce qui explique leur caractère prioritaire auprès de l’UE.
État de conservation
Etat de conservation d’un habitat naturel
Au sens de la directive, l’état de conservation d’un habitat naturel résulte de « l’effet de l’ensemble des influences agissant sur un habitat naturel ainsi que sur les espèces typiques qu’il abrite, et qui peuvent affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la survie à long terme de ses espèces typiques sur le territoire européen des États membres » (art. 1). Cet état de conservation est favorable lorsque :
- son aire de répartition naturelle et les superficies qu’il couvre sont stables ou en extension ;
- la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible ;
- l’état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable (art. 1).
Cette définition est appliquée à l’échelle d’un territoire biogéographique. Le domaine atlantique n’est pas concerné par l’habitat 9430. A l’échelle nationale, le dernier rapportage du MNHN (BENSETTITI F. & PUISSAUVE R., 2015) conclut :
- Aire de répartition : « favorable » pour les trois domaines biogéographiques concernés. L’aire de répartition de l’habitat est jugée globalement stable ;
- Surfaces : « favorable » pour les domaines alpin, continental et méditerranéen. Les surfaces sont jugées stables ou en extension.
- Structure et fonctions : le domaine alpin (dont fait partie la chaîne des Pyrénées) ainsi que le domaine continental bénéficient d’un jugement favorable pour ces critères, à l’inverse du domaine méditerranéen jugés « défavorables inadéquats » pour ces critères ;
- Perspectives : il s’agit du même constat qui a été établi ci-dessus pour les domaines concernés.
L’habitat « 9430-Forêts montagnardes et subalpines à Pinus uncinata» est donc globalement évalué en bon état de conservation pour les domaines biogéographiques alpin et continentaux.La tendance n’a pas fait l’objet d’une évaluation lors de ce rapportage.
Etat de conservation sur le site et la parcelle
Un habitat forestier peut être considéré en bon état de conservation, à l’échelle d’un site Natura 2000, lorsque :
- ses structures caractéristiques sont présentes et les fonctions spécifiques et nécessaires à son maintien sont assurées ;
- il ne subit aucune atteinte susceptible de nuire à sa pérennité ;
- les espèces (végétales, animales et fongiques) qui lui sont typiques peuvent s'exprimer et assurer leur cycle biologique (CARNINO, 2009b).
Les indicateurs mobilisés pour le diagnostic peuvent être porteurs d’une signification négative (dégradation, régression de l’habitat) ou positive (représentativité, équilibre). Ces indicateurs proposés par le groupe d’experts du MNHN sont les suivants :
- Surface : tendances et causes d’évolution
- Composition floristique : intégrité de la composition dendrologique, typicité de la flore
- Dynamique de renouvellement : présence / absence des différents stades
- Bois morts : présence et activité de la faune saproxylique
- Atteintes : espèces exotiques envahissante, perturbations hydrologiques, dégâts au sol, impact des grands ongulés, fréquentation humaine, incendies.
Une grille d’analyse associée à chaque indicateur permet d’affecter une note globale à l’habitat ou à la station sur laquelle le diagnostic est réalisé.
C’est cette méthode qui pose le cadre méthodologique de l’évaluation à l’échelle du site. Celle-ci a fait l’objet d’une synthèse (CARASCO, 2013) des retours d’expérience en la matière, et d’autre part d’une réflexion de fond sur le sujet, dans le but d’aboutir à la formulation de propositions d’améliorations en vue de la mise au point d’une nouvelle version de la méthode qui met en évidence les points suivants :
- échelles de prise en compte des critères de surfaces et de fragmentation (habitat ou massif forestier) ;
- impossibilité de définir une référence unique qui représenterait un état de conservation idéal pour un type d’habitat forestier donné ;
- difficultés et précaution d’usage dans la construction de listes d’espèce typique ;
- diversification des critères de prise en compte des bois morts…