Présentation
Ces forêts sont structurées par des essences à bois durs tels que le Chêne pédonculé (Quercus robur), les Frênes (Fraxinus excelsior, F. angustifolia) et les Ormes (Ulmus laevis, U. minor). La richesse de ces forêts en espèces caducifoliées est une des plus importantes qui soit en climat tempéré ; les forêts les plus typiques mélangent à la fois des essences structurantes à bois durs avec des espèces nomades (Érables, Merisier, Ormes…) ainsi que des bois tendres relictuels (Peupliers).
Les sous-bois sont riches en espèces des fourrés médio-européens des sols non acides (Classe des Crataego - Prunetea Tüxen 1962) de basse altitude : Cornouiller sanguin, Troène, Prunellier, Aubépines… La strate ligneuse haute sert de support à des espèces lianescentes (Lierre, Clématite, Houblon, Tamier commun),
Ces forêts, régulièrement enrichies en nutriments par les cours d’eau, sont gérées dans un objectif de production. Le mode de traitement historique en taillis-sous-futaie permettait à la fois une récolte régulière de bois de chauffage (taillis), couplée à une production de bois d’œuvre de qualité (menuiserie, ébénisterie). La diminution des besoins en bois de chauffage a entrainé leur transformation progressive en futaies régulières. Dans le même temps, elles ont fait l’objet d’introductions (transformations) par des essences exogènes plus productives, à révolution plus courtes [clones de peupliers hybrides, chênes américains, résineux (Douglas, Epicéas pures ou en mélanges)].
Ces forêts constituent l’aboutissement de la dynamique végétale sur les terrasses alluviales soumises à une dynamique fluviale active en climat tempéré. Elles font suite aux saulaies-peupleraies (CH 91E0), qu’elles peuvent encore côtoyer par abaissement topographique, soit en direction du lit mineur soit au sein de larges dépressions intraforestières.
Ces forêts ont beaucoup régressé aussi bien en France qu’à l’échelle régionale car leur situation topographique entre directement en conflit avec maintes activités humaines, activités dont l’artificialisation a augmenté au fil du temps (agriculture -> urbanisation). Dans le même temps, les forêts relictuelles ont subi de telles atteintes que leur reconnaissance et leur affectation à ce type peut s’avérer délicat. Ainsi les voit-on souvent intimement mêlées à des friches alluviales nitrophiles (Classe des Artemisietea vulgaris W. Lohmeyer, Preising & Tüxen 1951) et les ourlets frais (Classe des Galio aparines-Urticetea dioicae H. Passarge ex Kopeckŷ) y prennent un développement inhabituel.
Les mégaphorbiaies riveraines eutrophes (Alliance du Convolvulion sepium Tüxen in Oberd. 1957) s’y développent régulièrement à la faveur des dépressions topographiques plus humides. Des végétations de même nature s‘installent secondairement dans les prairies humides laissées à l’abandon.
Mais de nos jours, ces prairies elles-mêmes sont souvent retournées et remplacées par de grandes cultures (Maïs, Soja, Tournesol) ou des prairies temporaires.
Le graphique ci-dessous récapitule l’ensemble des types d’habitats d’intérêt communautaire au contact du type 91F0 dans notre région (compilation des sites régionaux). Il différencie les surfaces recensées où l’habitat est pur de celles où il est mélangé à d’autres types d’intérêt communautaire.
La surface totale cartographiée au sein des sites N2000 de notre région où apparaît l’habitat 91F0 est de 1810 ha ; la moyenne des unités cartographiées se situant autour de 5,7 ha. Les contacts les plus fréquents (en surfaces) s’effectuent avec les mégaphorbiaies (CH 6430) et les forêts à bois tendres (CH 91E0).
Il s’agit des boisements alluviaux à bois durs, occupant la partie du lit majeur, située en retrait et au-dessus des saulaies - peupleraies (CH 91E0). Ces hautes terrasses sont soumises à des crues régulières de durée moins longue que celles que subissent les peuplements à bois tendres. Le plancher de la nappe aquifère en équilibre avec le fleuve est plus éloigné de la surface ; dès lors les niveaux d’engorgement sont plus profonds et les contraintes liées à la présence de l’eau moins fortes sur l’année, ce qui permet le développement des grands arbres et par suite une maturation plus importante de la forêt.
Le substrat correspond à des alluvions récentes, drainantes et aérées hors ces périodes de crues ; ces dernières assurent un rechargement périodique en nutriments (limons).
Ces habitats se rencontrent à basse altitude, le long des grands cours d’eau, qui seuls, sont susceptibles, par la largeur de leur lit majeur, de développer de telles formations. Le régime océanique auquel sont soumis ces cours d’eau induit une période de crues de la fin de l’hiver à la fin du printemps.
Les caractéristiques stationnelles de l’habitat sont marquées par un bilan hydrique et une richesse du sol favorables. Cette dernière est liée aux rechargements des crues ; la remontée de la nappe est à l’origine de phases d’engorgements temporaires pendant la période hivernale ; en revanche, la végétation ne manque pas d’eau en été et les sols, hors période de crues, sont bien aérés. Le pH est proche de la neutralité, témoignant d’une bonne minéralisation de la matière organique.
Ces forêts, très complexes du point de vue fonctionnel, constituent des habitats d’un grand intérêt en matière de biodiversité, tant animale que végétale.
Leurs lieux d’implantation sont depuis très longtemps prisés par l’homme, en raison de la proximité de l’eau, auprès de laquelle il faut ménager des accès, de la fertilité des sols et d’une topographie favorable.
Mais ce sont les atteintes à la fonctionnalité du système fluvial qui sont devenues les plus prégnantes car les conséquences sont souvent difficilement réversibles. Elles sont le fait de l’installation de barrages hydro-électriques ou de carrières d’extraction de granulats qui ont pour conséquence :
- Un surcreusement du lit du fleuve, qui a pour effet d’abaisser le niveau de la nappe et de diminuer la fréquence et l’importance des crues voire les annuler ;
- Une pollution possible des eaux souterraines, mises au jour par les gravières, notamment en métaux lourds
L’intensification de l’activité agricole
- modifie la trophie des forêts proches en raison de l’utilisation massive d’intrants chimiques qui banalisent la flore par disparition des espèces le moins compétitives.
- abaisse les niveaux d’eau en raison des pompages pour l’irrigation.
Ces forêts possèdent intrinsèquement de fortes potentialités de production, notamment pour le Chêne pédonculé et du Frêne. Les essences secondaires (Erables, Merisiers, Ormes…) sont elles-mêmes valorisables en bois d’œuvre de qualité (menuiserie). Ces potentialités sont cependant altérées de nos jours par la dégradation des peuplements (en qualité) et leur superficie réduite (quantité).
Des substitutions d’essences ont été réalisées au profit de la culture à courte révolution de clones sélectionnés de peupliers.
Schéma fonctionnel synthétique
Un schéma fonctionnel est une représentation théorique des trajectoires possibles de l'habitat, sans ou avec gestion, et dans le cas des espaces forestiers, en fonction des usages antérieurs.
Devant la méconnaissance de ce type d’habitat dans la région, seul figure ici la trajectoire principale, générique.
La diagnose écologique correspond à l’intitulé de l'habitat ; il reprend les éléments stationnels et écologiques déterminants qui répondent à la définition de l'habitat (moins ambigües que les intitulés des typologies codées).
Données cartographiques
Le tableau et la carte ci-dessous montrent la répartition des surfaces cartographiées en « forêts alluviales» (UE 91F0) dans le réseau régional de sites Natura 2000.
Code Site Natura | Nom Site Natura | Surface (en ha) |
FR7301822 | Garonne, Ariège, Hers, Salat, Pique et Neste | 433,39 |
FR7300898 | Vallée de la Dordogne quercynoise | 201,48 |
FR7300889 | Vallée de l'Adour | 139,11 |
FR7200788 | La Joyeuse | 76,33 |
FR7200787 | L'Ardanavy | 50,87 |
FR7200786 | La Nive | 19,14 |
Total 91F0 | 920,32 |
L’habitat 91F0 a été noté sur le bassin de la Garonne et sur celui de la Dordogne.
État de conservation
Etat de conservation d’un habitat naturel
Au sens de la directive, l’état de conservation d’un habitat naturel résulte de « l’effet de l’ensemble des influences agissant sur un habitat naturel ainsi que sur les espèces typiques qu’il abrite, et qui peuvent affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la survie à long terme de ses espèces typiques sur le territoire européen des États membres » (art. 1). Cet état de conservation est favorable lorsque :
- son aire de répartition naturelle et les superficies qu’il couvre sont stables ou en extension ;
- la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible ;
- l’état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable (art. 1).
Cette définition est appliquée à l’échelle d’un territoire biogéographique. Ainsi, à l’échelle nationale, le dernier rapportage du MNHN (BENSETTITI F. & PUISSAUVE R., 2015) conclut, pour l’habitat 91F0 :
- Aire de répartition : « défavorable inadéquat» pour les trois domaines biogéographiques concernés (les cours d’eau de même nature du domaine alpin présentent des fonctionnalités différentes). L’aire de répartition de l’habitat est jugée stable ;
- Surfaces : « défavorable inadéquat à mauvais» pour le domaine atlantique qui nous concerne. Les surfaces sont jugées globalement en baisse.
- Structure et fonctions : « défavorable inadéquat » pour le domaine atlantique ; « Défavorable mauvais » pour les domaines continental et méditerranéen.
- Perspectives : les perspectives futures en termes de pressions et menaces sur l’habitat ont été jugés « défavorables mauvais » pour les deux domaines évalués.
Le constat concernant l’état de conservation de l’habitat « 91F0-Forêts alluviales mixtes» est plutôt pessimiste car jugé « inadéquat mauvais » pour l’ensemble des domaines biogéographiques concernés.
Etat de conservation sur le site et la parcelle
Un habitat forestier peut être considéré en bon état de conservation, à l’échelle d’un site Natura 2000, lorsque :
- ses structures caractéristiques sont présentes et les fonctions spécifiques et nécessaires à son maintien sont assurées ;
- il ne subit aucune atteinte susceptible de nuire à sa pérennité ;
- les espèces (végétales, animales et fongiques) qui lui sont typiques peuvent s'exprimer et assurer leur cycle biologique (CARNINO, 2009b).
Les indicateurs mobilisés pour le diagnostic peuvent être porteurs d’une signification négative (dégradation, régression de l’habitat) ou positive (représentativité, équilibre). Ces indicateurs proposés par le groupe d’experts du MNHN sont les suivants :
- Surface : tendances et causes d’évolution
- Composition floristique : intégrité de la composition dendrologique, typicité de la flore
- Dynamique de renouvellement : présence / absence des différents stades
- Bois morts : présence et activité de la faune saproxylique
- Atteintes : espèces exotiques envahissante, perturbations hydrologiques, dégâts au sol, impact des grands ongulés, fréquentation humaine, incendies.
Une grille d’analyse associée à chaque indicateur permet d’affecter une note globale à l’habitat ou à la station sur laquelle le diagnostic est réalisé.
C’est cette méthode qui pose le cadre méthodologique de l’évaluation à l’échelle du site. Celle-ci a fait l’objet d’une synthèse (CARASCO, 2013) des retours d’expérience en la matière, et d’autre part d’une réflexion de fond sur le sujet, dans le but d’aboutir à la formulation de propositions d’améliorations en vue de la mise au point d’une nouvelle version de la méthode qui met en évidence les points suivants :
- échelles de prise en compte des critères de surfaces et de fragmentation (habitat ou massif forestier) ;
- impossibilité de définir une référence unique qui représenterait un état de conservation idéal pour un type d’habitat forestier donné ;
- difficultés et précaution d’usage dans la construction de listes d’espèce typique ;
- diversification des critères de prise en compte des bois morts…