Présentation
Ces forêts sont structurées par le Frêne commun (Fraxinus excelsior), le Tilleul à feuille cordée (Tilia cordata), des Érables (Acer platanoides, A. campestris) et l’Orme des montagnes (Ulmus glabra) pour les forêts hygrosciaphiles d’une part et d’autre part, les Tilleuls (Tilia platyphyllos, T. cordata), divers Érables (Acer opalus, Acer monspessulanum) ou l’Alisier blanc (Sorbus aria) pour les boisements thermophiles. Ainsi, les espèces nomades qui la composent sont en général variées si le couvert n’a pas subi de perturbations (coupes) importantes et le Chêne et le Hêtre, s’ils peuvent apparaitre exceptionnellement, ne structurent jamais cet habitat. Les essences du sous-étage témoignent de la composante du climat général, océanique avec le Houx et l’If, périméditerranéen avec l’Érable de Montpellier ou le Buis.
La strate herbacée est composée d’un cortège d’espèces acidiclines à neutrophiles ; l’aile hygrosciaphile se distingue surtout par l’occurrence des fougères parmi lesquelles le Polystic à soies, le Scolopendre et la Fougère mâle sont les plus récurrentes. Du fait des contraintes microclimatiques, la floraison de cette strate est plutôt précoce (vernale à tardi-vernale).
Ces communautés constituent des climax stationnels sur sols maigres, peu évolués, légèrement acides à calcaires, soumis à un climat général océanique ou méditerranéo-atlantique. Elles sont le stade ultime d’une dynamique forestière tronquée ayant démarré par la colonisation d’éboulis (CH 8110), ces derniers étant eux-mêmes issus de la désagrégation mécanique de la roche en place, d’où de fréquents contacts avec les milieux rocheux (CH 8210), des pelouses pionnières à orpins sur dalles (CH 6110) ou des buxaies stables (CH 5110)].
Les fourrés de diverse nature (xérothermophiles) à Buis (CB 31.82) ou Amélanchiers ou fraîches à Noisetiers (CB 31.8C) préparent l’arrivée progressive des espèces arborescentes caducifoliées structurantes.
L’habitat 9180 peut entrer en contact avec des chênaies se développant sur des sols plus évolués et stables : selon la nature du substrat et l’étage de végétation, ces boisements se rapportent soit à des chênaies pubescentes (CB 41.71) soit à des hêtraies sèches calcicoles (CH 9150).
Le graphique ci-dessous récapitule l’ensemble des habitats d’intérêt communautaire au contact de l’habitat 9180 dans notre région (compilation des sites régionaux). Il différencie les surfaces recensées où l’habitat est pur de celles où il est mélangé à d’autres types d’intérêt communautaire.
La surface moyenne cartographiée de ces forêts de ravin dans les sites N2000 de notre région se situe autour de 4,0 ha. Les peuplements purs ne représentent qu’un peu moins (45 %) de la moitié des objets cartographiques contenant l’habitat 9180.
Ces forêts se développent sur des substrats qui se caractérisent par la présence de matériaux grossiers ou fins souvent instables issus de la désagrégation des roches-mères en place. Ces débris rocheux sont établis sur de fortes pentes et cette spécificité topographique est renforcée par un contexte microclimatique, lié à une exposition chaude (xérothermophile), ou confinée, fraîche et humide (hygrosciaphile). Il s’agit donc ici d’un climax stationnel, dont les contraintes engendrées empêchent l’installation des essences dryades (Chênes, Hêtres ou Sapins selon la latitude ou l’altitude), en bloquant la dynamique à des essences post-pionnières et nomades comme les Érables, Tillleuls, Frênes et Ormes.
Le climat général n’a ici qu’un rôle secondaire : ces forêts se rencontrent aux étages collinéen et montagnard dans tous les domaines biogéographiques, mais elles sont rares et en général de superficie réduite.
L’habitat « 9180 Forêts de ravin » se développe sur deux types de stations bien différenciées :
- A) Des stations à topoclimat frais à froid et humide, à sols riches en éléments grossiers (cailloux, blocs), souvent déficitaires en éléments fins, aux horizons supérieurs riches en matières organiques, actifs, témoignant d’une bonne activité biologique ;
- B) Des stations à topoclimat sec, présentant des sols moins évolués, riches en éléments grossiers et souvent carbonatés.
Les représentations ci-dessous montrent graphiquement les principales différences entre ces types :
A ) Topoclimat froid et humide
B ) Topoclimat sec
Les menaces vis-à-vis de ces forêts sont à mettre en relation avec la gestion sylvicole. Les coupes dans le cadre de cette dernière peuvent être à l’origine :
- de la déstructuration des peuplements, ces derniers ayant une faible résilience en regard des contraintes topoclimatiques : l’ambiance forestière souffre des mises en lumière et tarde à se reconstituer. Le débusquage ou le lançage des arbres coupés occasionnent en général des blessures des arbres réservés ;
- de la nécessité de création de voies de desserte qui entrainent une déstabilisation des peuplements traversés.
Ces forêts sont rares, fragiles et peu étendues ; la productivité des tillaies sèches est faible, plutôt bonne pour les boisements hygrosciaphiles. Ces derniers présentent cependant une faible valorisation dans la mesure où la croissance est souvent irrégulière et les troncs peu rectilignes en raison des mouvements de terrain que l’arbre tend à compenser en se redressant, créant des tensions dans le bois. La création de voies de desserte est coûteuse et peu rentable par rapport à la qualité des bois vidangés.
Schéma fonctionnel synthétique
Un schéma fonctionnel est une représentation théorique des trajectoires possibles de l'habitat, sans ou avec gestion, et dans le cas des espaces forestiers, en fonction des usages antérieurs.
La trajectoire principale, générique, est figurée au centre ; des précisions au niveau de chaque phase dynamique sont apportées, lorsqu’il y a lieu, de part et d’autre de cette dernière en fonction de critères écologiques, variables d’un habitat à l’autre, notés en gras en « chapeau ».
La diagnose écologique correspond à l’intitulé de l'habitat ; il reprend les éléments stationnels et écologiques déterminants qui répondent à la définition de l'habitat (moins ambigües que les intitulés des typologies codées).
Données cartographiques
Le tableau et la carte ci-dessous montrent la répartition des surfaces cartographiées en « Forêts de pentes, éboulis ou ravins du Tilio-Acerion» (UE 9180) dans le réseau régional de sites Natura 2000.
Code Site Natura | Nom Site Natura | Surface (en ha) |
FR7200786 | La Nive | 899,28 |
FR7200750 | Montagnes de la Haute Soule | 427,94 |
FR7200749 | Montagnes du Barétous | 384,70 |
FR7200742 | Massif du Moulle de Jaout | 241,79 |
FR7200751 | Montagnes du Pic des Escaliers | 230,27 |
FR7200752 | Massif des Arbailles | 156,47 |
FR7300884 | Zones rupestres xérothermiques du bassin de Marignac, Saint-Béat, pic du Gar, montagne de Rié | 143,35 |
FR7200744 | Massif de Sesques et de l'Ossau | 132,92 |
FR7200745 | Massif du Montagnon | 89,76 |
FR7200747 | Massif du Layens | 60,07 |
FR7200743 | Massif du Ger et du Lurien | 56,73 |
FR7300920 | Granquet-Pibeste et Soum d'Ech | 41,22 |
FR7300883 | Haute vallée de la Garonne | 37,71 |
FR7300885 | Chaînons calcaires du Piémont Commingeois | 27,91 |
FR7300827 | Vallée de l'Aston | 25,79 |
FR7300933 | Hautes-Baronnies, Coume de Pailhas | 25,05 |
FR7200792 | Le Gave d'Aspe et le Lourdios | 24,19 |
FR7300922 | Gaves de Pau et de Cauterets (et gorge de Cauterets) | 21,62 |
FR7300898 | Vallée de la Dordogne quercynoise | 21,10 |
FR9101470 | Haute vallée de l'Aude et bassin de l'Aiguette | 19,18 |
FR7301822 | Garonne, Ariège, Hers, Salat, Pique et Neste | 15,18 |
FR7200746 | Massif de l'Anie et d'Espelunguère | 9,53 |
FR7300944 | Montagne Noire occidentale | 9,34 |
FR7300880 FR7300881 |
Haute vallée d'Oô Haute vallée de la Pique |
7,23 |
FR7300855 | Causse Noir et ses corniches | 6,71 |
FR7200759 | Massif du Mondarrain et de l'Artzamendi | 5,17 |
FR7300912 | Moyenne vallée du Lot inférieure | 3,99 |
FR7300902 | Vallées de l'Ouysse et de l'Alzou | 3,87 |
FR7300871 | Plateau central de l'Aubrac aveyronnais | 3,37 |
FR7300831 | Quérigut, Laurenti, Rabassolles, Balbonne, la Bruyante, haute vallée de l'Oriège | 2,79 |
FR7300952 | Gorges de l'Aveyron, causses proches et vallée de la Vère | 2,48 |
FR7300836 | Chars de Moulis et de Liqué, grotte d'Aubert, Soulane de Balaguères et de Sainte-Catherine, granges des vallées de Sour et d'Astien | 2,47 |
FR7200793 | Le Gave d'Ossau | 1,92 |
FR7300923 | Moun Né de Cauterets, pic de Cabaliros | 1,29 |
FR7200790 | Le Saison | 1,17 |
FR7200733 | Coteaux du Boudouyssou et plateau de Lascrozes | 0,98 |
FR7300860 FR7300861 FR7300862 |
Devèzes de Lapanouse et du Viala-du-Pas-de-Jaux Serre de Cougouille Cirques de Saint-Paul-des-Fonts et de Tournemire |
0,84 |
FR7300949 | Basse vallée du Lignon | 0,70 |
FR7300859 | Cirque et grotte du Boundoulaou | 0,46 |
FR7300909 | Zone centrale du causse de Gramat | 0,41 |
FR7300864 | Plateau et corniches du Guilhaumard | 0,40 |
FR7300931 | Lac Bleu Léviste | 0,29 |
FR7300842 | Pechs de Foix, Soula et Roquefixade, grotte de l'Herm | 0,09 |
FR7200760 | Massif de la Rhune et de Choldocogagna | 0,09 |
Total 9180 | 3 147,81 |
Pour la région, l’habitat 9180, est surtout « bien représenté » au sein de la chaîne pyrénéenne en nombre de sites mais proportionnellement, la surface couverte est faible au regard de la taille du massif.
Il est encore plus localisé au sein du Massif central où il se cantonne surtout à ses marges septentrionales et méridionales, aux reliefs les plus prononcés.
État de conservation
Etat de conservation d’un habitat naturel
Au sens de la directive, l’état de conservation d’un habitat naturel résulte de « l’effet de l’ensemble des influences agissant sur un habitat naturel ainsi que sur les espèces typiques qu’il abrite, et qui peuvent affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la survie à long terme de ses espèces typiques sur le territoire européen des États membres » (art. 1). Cet état de conservation est favorable lorsque :
- son aire de répartition naturelle et les superficies qu’il couvre sont stables ou en extension ;
- la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible ;
- l’état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable (art. 1).
Cette définition est appliquée à l’échelle d’un territoire biogéographique. Ainsi, à l’échelle nationale, le dernier rapportage du MNHN (BENSETTITI F. & PUISSAUVE R., 2015) conclut, pour l’habitat 9180 :
- Aire de répartition : jugé « favorable » pour les quatre domaines biogéographiques. L’aire de répartition de l’habitat est jugée globalement stable ;
- Surfaces : « favorable » pour les domaines alpin et continental mais « défavorable inadéquat » pour le domaine atlantique qui nous concerne particulièrement ;
- Structure et fonctions : « favorable » pour les domaines alpins et méditerranéens mais « défavorable mauvais» pour le domaine atlantique. Le domaine continental bénéficie d’un jugement intermédiaire entre les précédents ;
- Perspectives : « défavorable mauvais» pour le domaine atlantique alors qu’elles sont jugées « favorables » pour les domaines alpin et continental et « défavorable inadéquat » pour les domaines méditerranéen.
L’habitat « 9180- Forêts de pentes, éboulis ou ravins du Tilio-Acerion» est donc globalement évalué en mauvais état de conservation pour tous les domaines biogéographiques à l’exception du domaine alpin. La tendance n’a pas été évaluée pour ce type d’habitat.
Etat de conservation sur le site et la parcelle
Un habitat forestier peut être considéré en bon état de conservation, à l’échelle d’un site Natura 2000, lorsque :
- ses structures caractéristiques sont présentes et les fonctions spécifiques et nécessaires à son maintien sont assurées ;
- il ne subit aucune atteinte susceptible de nuire à sa pérennité ;
- les espèces (végétales, animales et fongiques) qui lui sont typiques peuvent s'exprimer et assurer leur cycle biologique (CARNINO, 2009b).
Les indicateurs mobilisés pour le diagnostic peuvent être porteurs d’une signification négative (dégradation, régression de l’habitat) ou positive (représentativité, équilibre). Ces indicateurs proposés par le groupe d’experts du MNHN sont les suivants :
- Surface : tendances et causes d’évolution
- Composition floristique : intégrité de la composition dendrologique, typicité de la flore
- Dynamique de renouvellement : présence / absence des différents stades
- Bois morts : présence et activité de la faune saproxylique
- Atteintes : espèces exotiques envahissante, perturbations hydrologiques, dégâts au sol, impact des grands ongulés, fréquentation humaine, incendies.
Une grille d’analyse associée à chaque indicateur permet d’affecter une note globale à l’habitat ou à la station sur laquelle le diagnostic est réalisé.
C’est cette méthode qui pose le cadre méthodologique de l’évaluation à l’échelle du site. Celle-ci a fait l’objet d’une synthèse (CARASCO, 2013) des retours d’expérience en la matière, et d’autre part d’une réflexion de fond sur le sujet, dans le but d’aboutir à la formulation de propositions d’améliorations en vue de la mise au point d’une nouvelle version de la méthode qui met en évidence les points suivants :
- échelles de prise en compte des critères de surfaces et de fragmentation (habitat ou massif forestier) ;
- impossibilité de définir une référence unique qui représenterait un état de conservation idéal pour un type d’habitat forestier donné ;
- difficultés et précaution d’usage dans la construction de listes d’espèce typique ;
- diversification des critères de prise en compte des bois morts…
Groupes de gestion identifiés