Présentation
Les forêts les plus caractéristiques sont dominées par le Chêne vert, souvent en mélange avec le Chêne pubescent (Quercus pubescens). Le sous-étage est habituellement composé d’arbustes à répartition péri-méditerranéenne comme le Buis (Buxus sempervirens) pouvant avoir un recouvrement conséquent, le Nerprun alaterne (Rhamnus catharticus), la Filaire intermédiaire (Phyllirea media)…. Le cortège herbacé, souvent appauvri, est composé d’un cortège d’espèces basophiles souvent triviales.
Des fourrés arbustifs thermophiles, imprégnées d’espèces méditerranéennes comme Phyllirea, Pistacia terebinthus… peuvent constituer des chênaies vertes potentielles.
Ces peuplements ne sont souvent guère gérés pour la production de bois de nos jours, mais leur régime de taillis évoquent des prélèvements anciens par l’homme pour du bois de chauffage, voire localement pour la production de charbon de bois.
Cet habitat rassemble les chênaies les plus thermophiles du Bassin aquitain et de sa périphérie dont elles constituent le terme forestier ultime, sur sols maigres, filtrants et carbonatés sous climat océanique marqué (Alliance du Quercion pubescenti-sessiliflorae Br.-Bl. 1926). Elles sont en général stables dans le temps.
Les fortes contraintes bioclimatiques, caractérisées par des déficits hydriques saisonniers marqués, entraînent un blocage de la maturation des forêts au stade chênaie sur des sols peu évolués, où vient s’insérer l’espèce la plus résistante du genre à la sècheresse qu’est le Chêne vert, venu du bassin méditerranéen voisin dont notre région constitue des avant-postes de l’habitat. La présence régulière du chêne pubescent indique une méditerranéité atténuée, du fait d’un climat subhumide en lien avec un macroclimat de type océanique.
Les phases régressives, par ouverture de la canopée lors des coupes ou de la mort prématurée des arbres, laissent toujours apparaître une proportion forte d’essences arbustives à distribution méditerranéenne large (dites eury-méditerranéennes) : outre celles déjà évoquées ci-dessus, mentionnons le Pistachier térébinthe (Pistacia terebinthus) l’Érable de Montpellier (Acer monspessulanus)…Les pré-manteaux externes sont structurés par le Rouvet blanc (Osyris alba) ou le Jasmin (Jasminum fruticans) mais toutes ces formations, de même que les lisières herbacées, restent à étudier plus précisément au niveau régional.
La destruction ancienne de ces forêts pour le pâturage a contribué au développement de pelouses calcicoles (Classe des Festuco-Brometea) comprenant à la fois des espèces pelousaires de distribution médio-européennes mais aussi eury-méditerranéennes [Argyrolobe de Zanon (Argyrolobium zanoni), Leuzée conifère (Rhaponticum coniferum), Stipe de France (Stipa gallica), Bugrane striée (Ononis striata)…. ] et des transgressives de garrigues comme la Staehéline douteuse (Staehelina dubia), qui, pour cette raison, ont été classées dans l’ordre des Ononidetalia striatae Br. Bl. 1950. Ces pelouses relèvent pour partie de l’habitat d’intérêt communautaire 6210.
D’autres contacts peuvent s’établir avec d’autres habitats d’intérêt communautaire :
- en lien dynamique, comme les formations stables à Buis (CH 5110), issus de la destruction de ces forêts ;
- ou non, comme les affleurements rocheux verticaux (incluant communautés rupicoles et végétations des dalles calcaires) ou les éboulis CH 8130), résultat de la désagrégation physique des roches en place. Ces végétations en contact avec les chênaies vertes n’ont été que peu étudiées dans la région.
Le graphique ci-dessous récapitule l’ensemble des habitats d’intérêt communautaire au contact de l’habitat 9340 en Midi-Pyrénées (compilation des sites régionaux). Il différencie les surfaces cartographiées où l’habitat est pur de celles où il est mélangé à d’autres types d’intérêt communautaire.
La surface moyenne cartographiée pour ces chênaies dans les sites N2000 de notre région se situent autour de 10 ha. Les peuplements purs représentent la grande majorité, près de 1925 ha sur un total peuplement pur + peuplement mélangés de 2190 ha.
Il s’agit de formations ligneuses dominées par le Chêne vert (Quercus ilex), constituant des peuplements établis sur des îlots thermo-xérophiles abrités dans une ambiance macroclimatique atlantique. Le caractère xérique est renforcé par la nature filtrante du substrat calcaire et des expositions favorables.
Ces chênaies à affinité méditerranéenne sont surtout localisées en périphérie du bassin aquitain. Ainsi, en métropole, elles trouvent des conditions favorables à leur développement du sud-ouest du Massif central jusqu’aux Charentes ainsi qu’à l’est et au centre des Pyrénées (Pyrénées orientales, Ariège, vallée de la Garonne).
Le déterminisme de ces forêts est à la fois climatique [mésoclimat atlantique chaud du Bassin aquitain ou de l’étage supraméditerranéen (bordure sud-ouest du Massif central et est des Pyrénées] et édaphique (sols secs et filtrants, riches en bases).
La pédogénèse aboutit à des sols carbonatés, chargés en cailloux, peu épais et pauvres en nutriments ; la litière se décompose lentement du fait de la chaleur et de la sécheresse ambiante. Les pluies à caractère orageux pénètrent peu dans le profil du sol et sont souvent responsables d’une forte érosion des couches superficielles.
Une part importante de ces forêts a fait l’objet par le passé d’un traitement en taillis pour la récolte de bois de feu. Ces taillis sont souvent vieillissants et peuvent alors constituer des futaies sur souches à faible pouvoir de régénération. Les régimes de futaies sont rares et à conserver, car elles maintiennent plus longuement leurs capacités de régénération naturelle.
La destruction de ces forêts par coupe rase est à éviter car, fragilisée par les conditions drastiques locales, leur capacité de résilience est faible.
Les enjeux sylvicoles sont faibles, réduits à la production de bois de chauffage. La rareté de ces chênaies et leur originalité régionale pousserait dans le sens d’un maintien de ces peuplements en l’état.
Schéma fonctionnel synthétique
Un schéma fonctionnel est une représentation théorique des trajectoires possibles de l'habitat, sans ou avec gestion, et dans le cas des espaces forestiers, en fonction des usages antérieurs.
La trajectoire principale, générique, est figurée au centre ; des précisions au niveau de chaque phase dynamique sont apportées, lorsqu’il y a lieu, de part et d’autre de cette dernière en fonction de critères écologiques, variables d’un habitat à l’autre, notés en gras en « chapeau ».
La diagnose écologique correspond à l’intitulé de l'habitat ; il reprend les éléments stationnels et écologiques déterminants qui répondent à la définition de l'habitat (moins ambigües que les intitulés des typologies codées).
Données cartographiques
Le tableau et la carte ci-dessous montrent la répartition des surfaces cartographiées en « Chênaies vertes» (UE 9340) dans le réseau régional de sites Natura 2000.
Code Site Natura | Nom Site Natura | Surface (en ha) |
FR7300852 | Gorges de la Vis et de la Virenque | 1 541,20 |
FR7300829 | Quiès calcaires de Tarascon-sur-Ariège et grotte de la Petite Caougno | 352,82 |
FR7300912 | Moyenne vallée du Lot inférieure | 59,93 |
FR7300885 | Chaînons calcaires du Piémont Commingeois | 24,12 |
FR7200733 | Coteaux du Boudouyssou et plateau de Lascrozes | 19,99 |
FR7300952 | Gorges de l'Aveyron, causses proches et vallée de la Vère | 12,21 |
FR7300945 | Causse de Caucalières et Labruguière | 7,79 |
FR7300898 | Vallée de la Dordogne quercynoise | 7,29 |
FR7300951 | Forêt de la Grésigne | 0,38 |
Total 9340 | 2 025,73 |
Les chênaies vertes constituent des îlots thermo-xérophiles disséminés sur les contreforts du sud-ouest (Caucalière) et ouest (Quercy blanc) du Massif central. Dans le massif pyrénéen, on les retrouve dans les vallées abritées de la partie est de ce massif, en continuité avec le département des Pyrénées orientales.
État de conservation
Etat de conservation d’un habitat naturel
Au sens de la directive, l’état de conservation d’un habitat naturel résulte de « l’effet de l’ensemble des influences agissant sur un habitat naturel ainsi que sur les espèces typiques qu’il abrite, et qui peuvent affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la survie à long terme de ses espèces typiques sur le territoire européen des États membres » (art. 1). Cet état de conservation est favorable lorsque :
- son aire de répartition naturelle et les superficies qu’il couvre sont stables ou en extension ;
- la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible ;
- l’état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable (art. 1).
Cette définition est appliquée à l’échelle d’un territoire biogéographique. Pour l’habitat 9340, ne sont concernés que les domaines biogéographiques alpin, atlantique et méditerranéen. Le dernier rapportage du MNHN (BENSETTITI F. & PUISSAUVE R., 2015) conclut ainsi :
- Aire de répartition : « favorable » pour les domaines concernés. L’aire de répartition de l’habitat est jugée globalement stable ;
- Surfaces : « favorable » pour tous les domaines ;
- Structure et fonctions : non évalué lors de ce rapportage pour les domaines atlantique et alpin mais « favorable » pour le domaine méditerranéen, le plus largement concerné pour ce type de forêt.
- Perspectives : « favorable » pour le domaine méditerranéen mais non évalué pour les domaines atlantique et alpin.
L’habitat « 9340-Forêts à Quercus ilex et Quercus rotundifolia » a été évalué en bon état de conservation pour le domaine méditerranéen. Cette évaluation n’a pas été effectué pour le domaine qui nous concerne, faute de données suffisantes, sans doute en raison aussi de l’éclatement des superficies concernées.
Etat de conservation sur le site et la parcelle
Un habitat forestier peut être considéré en bon état de conservation, à l’échelle d’un site Natura 2000, lorsque :
- ses structures caractéristiques sont présentes et les fonctions spécifiques et nécessaires à son maintien sont assurées ;
- il ne subit aucune atteinte susceptible de nuire à sa pérennité ;
- les espèces (végétales, animales et fongiques) qui lui sont typiques peuvent s'exprimer et assurer leur cycle biologique (CARNINO, 2009b).
Les indicateurs mobilisés pour le diagnostic peuvent être porteurs d’une signification négative (dégradation, régression de l’habitat) ou positive (représentativité, équilibre). Ces indicateurs proposés par le groupe d’experts du MNHN sont les suivants :
- Surface : tendances et causes d’évolution
- Composition floristique : intégrité de la composition dendrologique, typicité de la flore
- Dynamique de renouvellement : présence / absence des différents stades
- Bois morts : présence et activité de la faune saproxylique
- Atteintes : espèces exotiques envahissante, perturbations hydrologiques, dégâts au sol, impact des grands ongulés, fréquentation humaine, incendies.
Une grille d’analyse associée à chaque indicateur permet d’affecter une note globale à l’habitat ou à la station sur laquelle le diagnostic est réalisé.
C’est cette méthode qui pose le cadre méthodologique de l’évaluation à l’échelle du site. Celle-ci a fait l’objet d’une synthèse (CARASCO, 2013) des retours d’expérience en la matière, et d’autre part d’une réflexion de fond sur le sujet, dans le but d’aboutir à la formulation de propositions d’améliorations en vue de la mise au point d’une nouvelle version de la méthode qui met en évidence les points suivants :
- échelles de prise en compte des critères de surfaces et de fragmentation (habitat ou massif forestier) ;
- impossibilité de définir une référence unique qui représenterait un état de conservation idéal pour un type d’habitat forestier donné ;
- difficultés et précaution d’usage dans la construction de listes d’espèce typique ;
- diversification des critères de prise en compte des bois morts…